Sur le terrain de la lutte pour l’autodétermination, le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie est confrontée aujourd’hui à la concurrence d’un nouveau mouvement. Il s’agit du Rassemblement pour la Kabylie (RPK), dont le coordinateur s’appelle Hamou BOUMEDINE.
Ce dernier a fait parvenir à Algérie-Focus une contribution dans laquelle il explique les positions des membres de son mouvement au sujet des prochaines élections législatives qui se dérouleront le 04 mai prochain. Pour enrichir ce débat complexe et majeur pour l’avenir de notre pays, nous avons décidé de publier la tribune de Hamou Boumedine. Soulignons seulement que les opinions exprimées dans cet article n’engagent que son auteur et ne sauraient refléter la position éditoriale d’Algérie-Focus.
« Les élections législatives du 04 mai prochain seront un nouveau rendez-vous manqué avec la démocratie. Le scrutin, dont l’issue est connue d’avance, vise exclusivement à donner une légitimité, à travers un pseudo suffrage universel, à une oligarchie ne gouvernant que pour consolider sa domination politique et le maintien des leviers de l’accaparement des richesses du pays. En l’absence d’un Etat de droit, seul garant de l’expression réelle de la e souveraineté populaire, la fraude électorale pèsera lourdement sur les résultats, et une nouvelle fois, elle aura à configurer « la représentation nationale » dans les desseins que le pouvoir autoritaire a déjà élaborés. Les verrouillages politique et médiatique, institutionnalisés comme mode de gouvernance de la vie publique entre deux législatures, ne permettent pas une expression libre des citoyens.
Parce qu’une démocratie sans alternance est une démocratie factice, elle ne peut raisonnablement mobiliser les citoyens au devoir électoral. L’abstention massive qui résultera du prochain scrutin doit être alors interprétée comme une expression des citoyens à l’effet de ne pas cautionner un guet apens politique. Au moment où une demande forte pour un changement profond dans la vie politique est ressentie, notamment au niveau de la jeunesse, le pouvoir continue dans sa politique de fuite en avant et tente de différer ce qui est inéluctable, à savoir la fin d’un système en déphasage total avec les réalités du pays et l’évolution du monde.
Le manque d’intérêt manifesté par la population aux sorties des candidats, confirmé par la voix même de ceux qui participent à la course électorale, dénote d’un divorce profond avec les institutions de l’Etat. Cette rupture de confiance est accentuée par un phénomène de corruption généralisée et éhontée offrant le spectacle d’une course effrénée pour le captage des subsides de la rente, ce qui est, dans une conjoncture économique et sociale difficile, une agression insupportable pour la société. De plus, comme s’il manquait à la forfaiture le ridicule, les pouvoirs publics ont avalisé des listes de candidats avec des affiches sans visage traduisant ainsi une régression du politique sans précédent : la discrimination positive qui devait renforcer la représentation féminine au niveau des institutions est ainsi dévoyée de son objectif pour porter finalement atteinte aux droits et à la dignité des femmes.
Comme le montrent les taux de participation depuis de nombreuses années, la Kabylie, dans son immense majorité, ne participe quasiment plus à ces simulacres électoraux car même en cas de parlement bien élu, la configuration politique actuelle ne permettra pas aux élus de la Kabylie de défendre ses intérêt spécifiques. Ils ne pourront bénéficier, dans le cas le plus favorable, que d’une simple tribune d’expression au sein de l’hémicycle. Cette singularité de la Kabylie exige une réponse politique et institutionnelle.
Comme il est affirmé dans le manifeste pour un statut politique particulier de la Kabylie, texte fondateur du RPK, au sein d’une société plurale, la démocratie parlementaire majoritaire ne permet ni une représentation juste ni un partage de pouvoir équitable. Une autre forme de démocratie, avec une répartition des prérogatives et des domaines de souverainetés, appelée démocratie consolidative ou consensuelle est plus adaptée. L’autonomie de la Kabylie que nous revendiquons est une voie à la fois sereine et porteuse, elle permettra d’apporter, dans un système nécessairement refondé sur la reconnaissance des droits collectifs, des réponses adaptées, justes et durables comme c’est le cas de nombreuses nations multiculturelles.
Le Rassemblement Pour la Kabylie, conscient des enjeux réels qui pèsent sur le pays, appelle à l’ouverture d’un grand débat sur les questions de l’heure : la refondation de l’Etat et la redéfinition de la Nation, les autonomies des régions accompagnées d’un processus réel de démocratisation des institutions et le redéploiement urgent vers une économie productive. Ce n’est pas en tournant le dos à la diversité de la nation algérienne, ce n’est pas en trichant avec un processus électoral, ce n’est pas en continuant honteusement à exploiter la rente comme ressource politique , ce n’est pas en bloquant les projets d’investissement de grands capitaines d’industrie, que l’Algérie pourra surmonter les défis majeurs qui s’imposent à elle dans un contexte mondial marqué par une instabilité géopolitique et une compétition économique implacable.
Le Rassemblement Pour la Kabylie regrette que les partis démocratiques qui se sont lancés dans cette opération électorale participent de fait à la pérennisation de ce système politique délétère, alors que la situation d’impasse politique réclame d’aller avant tout à la formalisation d’un pole démocratique. Le regroupement des forces démocratiques et de la modernité est la seule voie possible pour construire une alternative crédible au système actuel et redonner de l’espoir aux citoyens.
Après avoir affirmé ces questions de principe, le RPK considère que les citoyens auront plus à gagner en se mobilisant, de manière active, pour que leur destin et celui du pays ne soient pas l’otage des forces du statu quo et de la régression. Les luttes politiques, les luttes pour les libertés, de manière générale, n’auront aucune résonnance dans une assemblée, réduite de surcroit par les dispositions constitutionnelles, à ne servir que de chambre d’enregistrement à un régime hyper présidentiel ».