Et nous, mon général, qui va laver notre honneur ? Par Abdou Semmar

Redaction

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Nous avons attendu ce moment pendant plus de 25 ans. Durant tout ce temps, nous avons voulu vous entendre. Durant toutes ces longues années, nous avons douté de votre existence. Durant ces interminables années, nous avons grandi avec votre mythe. 

Votre légende a nourri notre enfance. Elle nous avait permis de résister au terrorisme, de redresser la tête et de voir en votre parcours une leçon de courage et d’abnégation. Vous étiez l’incarnation du héros dans nos esprits. Nous étions jeunes, très jeunes. Nous étions enfants lorsque notre Algérie était ravagée par la violence, avec des dizaines de milliers de morts à la clé. Chaque jour, durant ces maudites années 90, nous pleurions la disparition d’un ami, d’un frère, d’une sœur ou d’un personnage public. Notre vie était réduite à un voyage au bout de la mort.

Au début des années 2000, le cauchemar ne s’était pas estompé. En Kabylie, plus de 126 jeunes ont été lâchement assassinés parce qu’ils avaient réclamé leur liberté dans la rue. Vous avez certainement vu, on vous l’a certainement montré cette terrifiante image d’un jeune manifestant écrivant avec son propre sang  » liberté ». Cette même liberté pour laquelle nous ne battons toujours. A In Salah, à Ouargla et partout, ailleurs, à travers le pays. Aucun d’entre nous n’a réussi à vous approcher. A vous parler. A vous demander des explications. Et pourtant, nous sommes votre peuple. Votre chair et votre sang.

Et soudain, comme par un miracle divin, le 04 décembre 2015, vous envoyez une lettre et vous dénoncer une « injustice ». Vous défendez votre ancien compagnon, le général Hassan, et vous réclamez aux autorités de « laver son honneur » et celui des hommes qui ont servi à vos côtés. Mais aucune pensée pour nous, mon général. Pas la moindre allusion à nos souffrances, nos attentes, nos aspirations, notre sort. Et notre honneur à nous, qui va le laver ?

Qui va enfin nous dire la vérité sur ces milliers de morts durant toute une décennie ? Qui va nous dire la vérité sur l’assassinat de Mohamed Boudiaf ? Qui va nous expliquer pourquoi notre enfance a été entièrement sacrifiée pour maintenir le régime en place ? Le votre.

L’amitié est une notion très noble. Votre amitié avec le général Hassan est touchante. Mais la patrie dépasse de loin toutes les plus belles amitiés du monde. Notre Algérie est plus précieuse que votre amitié avec votre ancien subalterne. Des milliers de cadres innocents ont écumé les prisons à cause des rapports de vos services. Des milliers d’Algériens innocents ont été torturés, emprisonnés dans les camps du Sud pour avoir osé prier dans une mosquée. Des milliers de jeunes ont disparu et leurs mères les pleurent encore. Des milliers de familles ont perdu leurs modestes économies dans le sillage ses scandales Khalifa Bank et BCIA BANK.

Vos subalternes étaient chargé d’enquêter sur toutes ces affaires. Vos services étaient chargés de nous éviter tous ces malheurs. Vos colonels étaient chargés de nous protéger contre toutes ces catastrophes. Mais, ils n’ont rien fait. Ils n’ont pas épargné à notre peuple toutes ces désillusions, ces douleurs, ces blessures. Nous sommes aussi algériens que votre ami, le général Hassan. A notre manière, nous nous sommes sacrifiés pour notre pays comme votre ami, le général Hassan. Nous avons défendu notre Algérie contre la barbarie terroriste comme votre ami le général Hassan. Nous avons, nous aussi, « usé de toutes les voies réglementaires et officielles » pour faire éclater la vérité, éclairer ce funeste passé, faire définitivement notre deuil et aller, enfin, de l’avant. Nous n’étions pas des généraux sous vos ordre. Mais nous sommes vos compatriotes, vos concitoyens. Nous sommes le peuple pour lequel vous avez prêté le serment de servir et de protéger. Aujourd’hui, vous n’avez plus le droit de nous reléguer au second plan de vos préoccupations. Aujourd’hui, vous n’avez plus le droit de nous mépriser. Aujourd’hui, vous avez plus que jamais le devoir de « laver notre honneur ». Dites-nous la vérité sur tout ce qui s’est passé et tirez définitivement votre révérence. Très respectueusement mon Général…

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