De la Lèvre étouffe. Une frite dorée lui est passée en travers de la gorge. Il tousse et a le visage rouge comme il ne l’a jamais eu, même lorsqu’il a été pris la main dans le paquet de chips. La voix non-identifiée s’impatiente de le voir mettre du temps à digérer ces croustillantes frites importées de Belgique.
«Vous allez enfin retrouver la voix ? Comment se portent nos affaires ? Le trio des Don Quichotte commencent à en parler…», résonne-t-elle à l’autre bout du fil. MDLL bégaie. Il a le ventre trop plein pour pouvoir formuler les mots justes. La voix non-identifiée lui raccroche au nez. Ce n’est pas grave, M. De la Lèvre n’aime pas déjà trop son nez. Il s’engouffre dans son fauteuil et plonge dans un sommeil profond en fidèle disciple du Fantôme du Palais. MDLL ronfle comme cette Mercedes offerte par un ami à son fils. C’est qu’il a le ventre gonflé et bientôt il fera des cauchemars. Le ciel est gris et le temps est orageux. Le vent souffle au large de la mer où un visage hante une île. Il croit voir la Vierge Marie pourchasser un trésor évadé du Paradis. Le Dieu du fisc n’a vraisemblablement rien vu. M. De la Lèvre souffre dans son sommeil. Il transpire.
Il gémit. Tout d’un coup, il saisit brusquement sa cravate des deux mains. Il tente avec force de la dénouer. Dans son cauchemar, il voit un trésor attaché par une corde à son cou, pendant qu’on le balance du pont d’un bateau dans les eaux houleuses du pacifique. Il se voit couler dans les abysses de l’océan et, pendant ce temps, il s’engouffre davantage dans son fauteuil. Ses gémissements finissent par alerter les fonctionnaires du 02, rue des Affaires, Immeuble l’Evasion. Sa secrétaire ordonne à deux agents de sécurité de forcer la porte du bureau. En vain. Les deux agents n’ont ni les bras ni les jambes solides. C’est à croire qu’ils ont été recrutés pour manger eux aussi des frites dorées. Heureusement que la protection civile arrive. Les sapeurs-pompiers défoncent la porte et apportent les premiers soins à M. De la Lèvre. Il respire maintenant. Un peu mieux qu’avant et commence à reprendre ses esprits. Les agents de la protection civile le placent sur un brancard et s’apprêtent à l’évacuer. En franchissant la porte de son bureau, MDLL se rappelle de ses frites dorées. «j’veux mes chips…», lance-t-il capricieusement. Sa secrétaire lui ramasse un paquet et le donne à un pompier. «Nooon, touche pas à mes frites…», rage-t-il à nouveau. M. De la Lèvre refuse de se soigner chez-lui. L’ambulance le transporte à l’aéroport pour consulter à l’étranger. Là-bas, c’est aussi chez-lui. Et c’est justement là-bas qu’on l’a préparé à devenir ministre des Affaires et de l’Evasion des chips. A suivre…
Mehdi Mehenni