Le FMI est revenu le 1er juin sur son diagnostic et ses recommandations à propos de l’économie algérienne publiées au mois d’avril dernier. Sa principale recommandation consiste à ralentir le rythme de réduction des dépenses publiques pour ne pas pénaliser la croissance. Un instrument privilégié pour y parvenir, selon le FMI: le recours à l’endettement interne et externe.
L’institution basée à Washington note tout d’abord que «la croissance s’est ralentie dans le secteur hors hydrocarbures, en partie sous l’effet de la réduction des dépenses de l’Etat». Selon ses estimations, l’Algérie a enregistré en 2016 une croissance de 2,9% du PIB.
Rappelons que le FMI prévoyait en avril dernier que la croissance réelle du PIB de l’Algérie, devrait entamer une nette tendance au ralentissement dès cette année en anticipant un tassement de la croissance économique à 1,4% en 2017. La situation devrait encore s’aggraver l’année prochaine avec une baisse encore plus sensible de la croissance prévue à un niveau de 0,6%. On peut rappeler que la loi de finance 2017 évoque imperturbablement sur ce chapitre un taux de croissance de 4 % pour l’année en cours.
Chômage en hausse
Ces écarts de prévision ne constituent évidemment pas une simple «querelle d’experts». Elles risquent en effet d’avoir des conséquences très importantes sur le plan économique comme sur le plan social. La première conséquence de ce très fort ralentissement économique devrait être une montée en flèche du chômage. Le taux de chômage en Algérie devrait ainsi augmenter à 13,2% l’année prochaine, contre 11,7% en 2017 et 10,5% l’année passée selon le FMI; ce qui signifie à peu près 300 000 chômeurs en plus d’ici deux ans. Il reste particulièrement élevé chez les jeunes (26,7%) et les femmes (20,0%).
L’inflation s’accélère
Selon les derniers chiffres du FMI, le taux d’inflation est quant à lui passé de 4,8 % en 2015, à 6,4 % en 2016 et se chiffrait à 7,7 %, en glissement annuel, en février 2017. «Étant donné les tensions inflationnistes», les administrateurs de la mission du FMI encouragent d’ailleurs les autorités à être prêtes à relever leur taux directeur. Ce qui pourrait, si cette recommandation était appliquée, avoir pour conséquence une hausse des taux d’intérêt bancaire.
Pour des «réformes ambitieuses»
Conscient des «défis importants auxquels l’économie algérienne est confrontée», le FMI salue «les efforts que les autorités déploient pour s’adapter au choc pétrolier». Mais, préviennent les experts de Washington, «il est important de mettre en œuvre un dosage équilibré des mesures de politique économique, ainsi que des réformes structurelles ambitieuses, pour diminuer notamment la dépendance à l’égard des hydrocarbures et rehausser la croissance potentielle».
Ces réformes doivent permettre au pays de développer un secteur privé. L’institution financière internationale note que le gouvernement a pris des mesures «pour améliorer le climat des affaires», et travaille à «une stratégie à long terme» pour «refondre le modèle de croissance du pays». Mais, souligne l’institution, il est «nécessaire d’agir rapidement pour réduire la bureaucratie, améliorer l’accès au crédit, ainsi que renforcer la gouvernance et la transparence ».
En outre, selon les conclusions de ce rapport, il «convient aussi de réduire l’inadéquation des qualifications, d’améliorer le fonctionnement du marché du travail, d’accroître le taux d’activité des femmes et de continuer d’ouvrir l’économie aux échanges et à l’investissement direct étranger».
La faiblesse de l’endettement, principale marge de manœuvre
Après le rappel de ces «nécessaire réformes structurelles» qui constituent le credo du FMI depuis plusieurs décennies, les experts de l’institution internationale en viennent à des mesures de politique économique aux conséquences plus immédiates.
«Trop rapide» confirme le FMI à propos de la réduction des déficits. L’Algérie dispose de «marges de manœuvre» qui lui permettent d’adopter une démarche moins risquée pour la croissance. Quelles sont ces marges de manœuvre ? Les experts du FMI les désignent explicitement. Le gouvernement algérien devrait «prendre en considération une gamme plus large d’options de financement, y compris les emprunts extérieurs et la cession d’actifs publics». Les économistes du FMI notent que la dette extérieure du pays est très faible, et encouragent le «recours prudent à l’endettement extérieur» afin de fournir une marge de manœuvre budgétaire. La dette publique algérienne, bien qu’elle «ait augmenté», ainsi que le signale le FMI, reste encore particulièrement modérée et est estimée actuellement à 12 % du PIB. Quand à la dette extérieure, elle ne dépasserait pas 3% du PIB, selon les derniers rapports de la Banque d’Algérie.
Le FMI recommande donc clairement de poursuivre et d’amplifier la démarche amorcée en 2016 qui a conduit à l’émission, en interne, d’un premier emprunt d’Etat et à l’obtention d’un prêt d’un milliard de dollars auprès de la Banque Africaine de Développement. Sera-t-il entendu par le nouveau gouvernement algérien alors que le gouvernement Sellal et son ministre de l’économie, Hadj Baba Ammi, semblait plutôt avoir écarté cette option au cours des derniers mois ?
Hassan Haddouche