Opportunisme, parachutage, polémique nationaliste… La campagne pour l’élection législative dans la 9ème circonscription des Français de l’étranger (Afrique du Nord et de l’Ouest) est pleine de rebondissements dignes d’un thriller politique.
Qui est investi par le mouvement La République En Marche (LREM) du président de la République, Emmanuel Macron ? La réponse à cette question est l’œuvre d’une polémique qui ne cesse de s’amplifier, alimentée notamment par le manque de clarté du mouvement macroniste, entre Leila Aïchi, sénatrice de Paris et membre du MoDem, et M’jid El Guerrab qui a participé à la campagne de l’actuel président au Maroc après avoir quitté le Parti Socialiste (PS) en novembre 2016.
Bien qu’initialement investie par LREM, la sénatrice française d’origine algérienne s’est vu retirer le support du mouvement suite à une pression médiatique, menée principalement au Maroc, qui a été causé par ses prises de positions jugées pro-Polisario. Le 24 mai, le mouvement LREM a envoyé un communiqué s’excusant pour «l’imbroglio» commis et annonçant que, bien qu’il n’investirait aucun candidat dans la circonscription, M. El Guerrab est le candidat le plus «compatible avec les valeurs du mouvement», appelant donc à voter pour lui.
En effet, l’engagement de M’jid El Guerrab au près d’En Marche durant les élections présidentielles n’était pas des moindres. Actif au sein du comité de Casablanca, ce communiquant, qui a travaillé dans des cabinets ministériels et sénatoriaux socialistes, était présent au coté d’Emmanuel Macron dans ses déplacements au Maghreb. Il a également organisé une marche pendant l’entre-deux-tours contre l’abstention et pour Emmanuel Macron. Accusé d’opportunisme politique par Boris Faure, secrétaire de la Fédération des Français de l’étranger du PS, M. El Guerrab avait initialement proposé sa candidature au primaire du parti socialiste dans cette même circonscription. Il défendait sa candidature dans une interview qu’il a accordée à Algérie Focus le 23 octobre 2016. Alors, il accusait son concurrent aux primairex, Didier Le Bret, de «girouette politique» n’ayant que quelques mois d’adhésion au PS. Il prônait alors la constance chez un homme politique. Il retirera sa candidature le 10 novembre avant de rejoindre En Marche.
Si le soutient de M. El Guerrab à Emmanuel Macron est récent, celui de Leila Aïchi pose également des questions. N’habitant pas dans la circonscription et étant l’actuelle sénatrice de Paris, elle ne fait pas partie de LREM mais du MoDem et semble avoir été parachutée dans la 9ème circonscription par les accords entre Emmanuel Macron et François Bayrou. Néanmoins, cette avocate engagée pour les problèmes environnementaux reçoit le feu vert de Paris pour représenter le gouvernement aux législatives.
Peu de temps après, elle fait l’objet de nombreuses accusations, notamment par des médias marocains, pour ses positions pro-Polisario. Lors d’un colloque organisé en 2013, elle avait alors «dénoncé l’alignement systématique de la France sur la politique marocaine au Sahara occidental et ce, malgré les graves violations des droits de l’Homme constatées par les ONG humanitaires», selon le journal Le Monde. Elle dénonçait l’indifférence internationale sur la situation.
En vient alors une pluie d’attaques visant à déstabiliser la candidate. Le Cercle Eugène Delacroix, composée par des élus français dits pro-Maroc, critique vivement la candidate et appelle LREM à choisir un nouveau candidat «n’ayant pas à son actif une campagne honteuse de calomnie à l’égard du peuple marocain et de son Histoire». De son coté, le comité marocain du mouvement a annoncé le 13 mai dernier qu’il ne supportera pas cette candidature et la regrette.
La sénatrice tentera alors d’apaiser les tensions par le biais d’un communiqué le 16 mai, en clarifiant sa position. Après avoir rappelé son indépendance vis-à-vis de quelconques «intérêts étrangers», elle réitère que sa position est en phase avec celle de la France et soutient une «solution juste, durable et mutuellement agréée, sous l’égide des Nations Unies». Contacté par notre journal, son chargé de communication, Marc Bousquet, a réitéré sa position avant de souligner que la situation relevait de l’autorité du ministère des Affaires Etrangères et que Mme Aïchi souhaite se concentrer sur les problèmes des Français de la 9ème circonscription.
Retiré de la liste officielle des investitures de la République En Marche, sa profession de foi sur le site du gouvernement la positionne comme la candidate représentant Emmanuel Macron tandis que M. El Guerrab se présente comme le candidat de la majorité présidentielle. Le mouvement LREM nous a indiqué par e-mail qu’aucun candidat n’était investi dans la circonscription, mais qu’il soutenait M’jid El Guerrab.
Ce va-et-vient témoigne de la puissance de l’animosité au cœur d’une rivalité entre l’Algérie et le Maroc qui ne s’affaiblit pas et s’invite même dans les élections législatives françaises.
Rayan Benaziz