Elle fut la maison de l’Emir Abdelkader/Un monument historique transformé en… café !

Redaction

‘’…Je suis venu prendre possession de Tlemcen…Si vous ne me rendez pas Tlemcen conformément aux stipulations du traité (de la Tafna), je ne vois pas la nécessité de faire la paix ; ce ne sera guère qu’une trêve’’ (Rencontre d’Abd-El-Kader avec le général Bugeaud – La Tafna le 30 Mai 1837 in : ‘’La vie d’Abd-El-Kader – Ch-A. Churchill – p.135).

L’Emir fera effectivement son entrée à Tlemcen en Juillet 1837 par ce beau poème pour en marquer l’évènement : ‘’Tlemcen tend les bras pour donner un baiser ; réponds à l’appel de sa voix. Elle a pour toi soulevé son voile ; entre, et que sa fraicheur soit à ton cœur une douce rosée. Vois ses joues, telles qu’un parterre aux fleurs épanouies, et tu l’aimeras entre toutes. Longtemps elle défendit les perfections de sa beauté contre des audacieux, et c’est pourquoi, je le jure, ils devinrent ses ennemis. Que de soupirants convoitèrent la beauté que tu contemples, et furent repoussés par le glaive et les flèches de son regard ! Ils aspiraient à baiser le grain de beauté de sa joue, mais elle s’éloigna et ses tentes disparurent à l’horizon. Que de prétendants, d’un rang trop inégal pour être agréés, n’ont pas même vue le bord de son manteau ! Un autre cherchait à la tromper, à la séduire ; mais elle se déroba et rompit avec lui, fuyant ainsi la honte et le déshonneur’’ (traduction de F. Patorni tirée de ‘’ l’Emir Abdelkader’’ – Alger, Imp. P. Fontana et Cie – 1889).

Tlemcen, avec Ghazaouet et Sebdou, contiennent de nombreux vestiges en rapport avec l’épopée de l’Emir Abd-El-Kader.

Juste après le traité Desmichels du 26 Février 1834, l’Emir en fera la capitale de son khalifallik de l’Est dirigée par Mohamed Bouhmidi El-Oulhaci. Elle avait une position stratégique par son port de Ghazaouet. Et c’est justement autour de cette ville que se concentrent les plus nombreux et plus importants vestiges sur les traces de l’Emir. C’est à quelques kilomètres à l’Ouest de cette ville que l’armée coloniale Française essuya l’une de ses plus cinglantes défaites entre le 23 et le 26 Septembre 1845 à Sidi Brahem (les restes des 700 soldats tués lors de cette bataille ainsi que leurs officiers : de Montagnac, Froment Coste, de Barral, Gentil de Saint-Alphonse, de Burgard, Courby de Cognord, de Géraux, Dutertre…seront rassemblés dans ‘’le tombeau des braves’’ sur la vieille route de Nédroma).

Après plus de trois jours de négociations en vu d’un armistice, l’Emir posera plusieurs conditions pour l’arrêt des combats qui seront acceptées en totalité par le général Lamoricière. La rencontre eut lieu le 23 Décembre 1847 à midi au lieu dit ‘’le palmier’’ près du mausolée de Sidi Taher à quelques kilomètres de Sidi Brahim. Ensuite la troupe se rendra à Ghazaouet. L’Emir passera sa dernière nuit sur le sol natal dans une maison d’hôte, bâtisse attenante à ‘’la maison du commandant d’armes’’, située rue de Taount juste derrière l’église. C’est le 04 Avril 1845 que Montagnac prendra possession de cette maison à un étage dans laquelle il put recevoir, le jour même du départ du maréchal Bugeaud, le célèbre peintre de batailles, Horace Vernet, venu à Ghazaouet pour y recueillir les documents nécessaires à l’exécution de son tableau ‘’la bataille d’Isly’’.

Dans le cadre des festivités de ‘’Tlemcen capitale de la culture islamique’’, l’Etat engagea un grand budget pour sa restauration qui s’est avéré n’être que du rafistolage. Après…restauration (!!), elle devait être convertie en musée (!!). Cette année, l’APC de Ghazaouet engagea également des travaux sur le budget communal pour en faire un lieu de repos pour la population. Au moment où l’entrepreneur engagé par la mairie commença les travaux, celui qui avait loué ce monument historique a entamé sa transformation en…café.

Par le Dr Chamyl Boutaleb