A force de courir après les autres, à force de nous habituer à rester toujours à la traîne des pays développés, on est arrivé à douter nous-mêmes et à faire douter nos enfants sur notre capacité à redevenir une société de progrès comme l’ont réussi nos ancêtres il y a…quelques siècles. Rien ne sert de remuer le couteau dans la plaie certes, mais on ne peut éluder certaines questions importantes comme celles qui resurgissent périodiquement dès qu’on parle pouvoir d’achat, logement, épargne, amélioration de la qualité de vie, etc…
Ces jours-ci – contexte économique oblige – on relance les controverses au sujet de la relation du musulman avec l’argent, la finance, l’emprunt etc…Ce sont des sujets très importants car ils concernent le travail, le logement, les transports, l’avenir de nos enfants, leur éducation, les loisirs etc…Naturellement, chacun de nous espère accéder à une meilleure qualité de vie et cherche les moyens les plus licites pour y accéder. Or on ne peut éviter dans cette optique, de recourir à l’emprunt et on se heurte dès lors, à la barrière de l’interdit qui reste toujours floue, faute d’explications claires. Essayons d’aller au plus simple pour éviter une mauvaise interprétation du texte coranique au sujet de ces questions.
L’islam interdit l’usure ( Erriba ) :«…Dieu a permis la vente et interdit l’usure…mais ceux qui retournent à la pratique de l’usure seront voués au Feu éternel…Dieu réduira à néant le profit usuraire » Coran II, 275.
Les bénéfices tirés de l’argent dormant sont donc interdits. C’est le cas des intérêts tirés des livrets d’épargne. Conclusion : tous les épargnants en pays musulman contreviennent gravement aux injonctions coraniques. Il en est de même lorsque la transaction a lieu entre individus contre versements d’intérêts. L’argent doit servir à produire de la richesse c’est à dire être investi dans des projets concrets et non spéculatifs.
L’islam interdit la thésaurisation, c’est à dire l’accumulation de la richesse « dormante ». L’immobilisation de cet argent empêche donc de créer de la richesse et des emplois, ne profite pas à la société et se place au même niveau que l’usure dans l’utilisation condamnable de l’argent. « Annonce à ceux qui thésaurisent or et argent, au lieu de les consacrer à la cause de Dieu, un châtiment douloureux. Le jour où ces métaux seront portés à l’incandescence dans le feu de la Géhenne et appliqués sur leurs flancs et leurs dos : « Voici leur sera-t-il dit, ce que vous thésaurisez pour vous-mêmes ! Savourez ce que vous avez thésaurisé ». Coran IX/ 34,35
Quel serait donc le moyen licite pour permettre aux musulmans de recourir à l’emprunt pour améliorer leurs conditions de vie sans contrevenir à la charia ? C’est tout simplement de recourir à l’« Ijtihad » ( effort d’interprétation éclairé ) soit par la mise en place de la finance islamique par exemple ( mourabaha, moudhraba, moucharaka…), soit par des initiatives éclairées dévolues aux consensus interprétatifs de l’Autorité Juridique Islamique en fonction de situations données. Pour exemple, le Conseil de la Fatwa en Europe, devant la situation problématique des musulmans en Europe se trouvant dans l’impossibilité d’acquérir des logements sans passer par le crédit bancaire, a émis une fatwa pour autoriser le recours à des emprunts à taux d’intérêts fixes. Ce qui était formellement considéré comme interdit est devenu possible après un effort collectif d’exégèse positive.
L’initiative avait été saluée avec un grand soulagement par l’ensemble de la communauté musulmane qui y avait lu la possibilité d’une interprétation moins littéraliste et plus souple en matière de jurisprudence islamique.
La question qui se pose dès lors est de savoir pourquoi on n’a pas recours systématiquement à l’« Ijtihad » et à un islam éclairé pour mieux comprendre l’esprit de la loi coranique et adapter certaines lois en fonction de l’évolution de la société, plutôt que de s’arcbouter sur une vision figée ou se contenter de visions hypocrites comme c’est le cas chez nous quand on autorise l’épargne individuelle productive d’intérêts et quand les banques prêtent de l’argent à des taux prohibitifs ?
Il est évident qu’on peut trouver des solutions aux problèmes les plus complexes liés à l’interprétation de la loi coranique, dès l’instant qu’on se fixe comme objectif et dans une démarche claire, la fidélité à l’esprit de l’islam en même temps que la recherche du bien-être des musulmans et de la volonté de leur permettre enfin de rattraper le retard et de participer au progrès.
Aziz Benyahia