La fin du pétrole/ Les larmes d’Alger et la joie de Dubaï Par Abdou Semmar

Redaction

« Nous allons célébrer le dernier baril de pétrole que nous exportons. Aujourd’hui, 70 % de notre économie ne dépend plus du pétrole et notre défi est de bâtir une économie qui ne sera jamais dépendante du pétrole et nous allons créer de nouveaux secteurs économiques. Nous promettons aux générations futures une nouvelle économie équilibrée ». L’homme ayant écrit ce message, qui fait le buzz sur les réseaux sociaux partout dans le monde arabe  ne s’appelle pas Abdelmalek Sellal, Abdelaziz Bouteflika ou Ahmed Ouyahia. Il ne s’appelle pas non plus le général Toufik, Nezzar ou Betchine. 

Non, loin s’en faut. Cet homme s’appelle Mohammed ben Rachid Al Maktoum, l’émir de Dubaï. C’est lui, en personne, qui a posté ce message, le 16 janvier dernier, sur sa page Facebook et son compte Twitter. C’est lui en personne qui annonce à son peuple que des célébrations seront organisées lorsque le dernier baril de pétrole sera exporté. C’est cet homme « bédouin », dirigeant d’un pays de « bédouins », comme aiment à le répéter régulièrement, sur un ton moqueur et méprisant, nos compatriotes. Ces derniers, qui ont longtemps snobé ces « arabes » du Golfe, assistent aujourd’hui à la joie nationale exprimée par le souverain d’un petit pays qui ne dépasse pas la superficie de la plus petite des wilayas algériennes. Ces « bédouins » sont joyeux parce qu’ils sont en train de réussir à remporter la victoire dans cette ultra-cruciale lutte économique pour la survie de leur pays. Ces bédouins sont joyeux parce que la fin du pétrole ne leur fait aucunement peur puisqu’ils ont réussi à moderniser leur économie, la diversifier et l’adapter aux exigences de l’époque.

Ces « bédouins » méprisés, insultés en permanence dans notre pays, sont en train de nous donner une magistrale gifle. Oui, la petite Dubaï affiche sa joie au moment où la grande Algérie sombre dans la déprime parce qu’elle demeure incapable de voir son avenir loin de son baril du pétrole qui ne vaut presque plus rien. Alger pleure parce que son orgueil, sa fierté mal-placée et son « nif » (honneur) national n’ont rien pu faire pour la protéger de cette décadence sociale et économique avec son lot de conséquences fâcheuses. L’Algérie pleure parce qu’elle sait très bien que sans pétrole, elle n’a plus aucune armure contre la pauvreté. Les « bédouins » d’hier s’imposent comme les visionnaires d’aujourd’hui. Ils ont travaillé, innové, appris des expériences du monde développé. Ils ont misé sur le tourisme, la finance, le commerce, la formation et l’excellence universitaire. Au fur des années, ces « bédouins » ont enfanté des élites qui façonnent le futur.

Et pendant ce temps, nos émirs d’opérette, les Sellal, Bouteflika, Amar Ghoul, Amar Saâdani, Louisa Hanoune et toute la cohorte de généraux, nous terrifient, nous menacent en brandissant l’épouvantail de la « main étrangère », « l’ingérence étrangère », « les atteintes aux constances nationales » et toutes les hérésies des temps modernes. Les « bédouins » ont bossé, durement bossé, pour valoriser leur pays. Nos « émirs » « révolutionnaires » et « nationalistes jusqu’à la moelle », ont bossé aussi. Durement même. Mais pour enfanter un monumental échec que l’histoire ne leur pardonnera jamais. A Dubaï, ils vont célébrer l’exportation du dernier baril de pétrole. A Alger, on va prier pour une remontée providentielle des cours du brut, en attendant une lueur de changement qui émergera des entrailles de la rue.