La Ligue française des droits de l’Homme (LDH) organise ce vendredi soir à Lens, dans le Nord de la France, une grande conférence intitulée “L’assassinat de Maurice Audin, 57 ans de mensonge d’Etat”. Des artistes et des historiens se succéderont toute la soirée pour évoquer la mémoire de la guerre d’Algérie, en présence notamment de Josette Audin, veuve du mathématicien, et de Pierre Tartakowsky, président de la LDH.
“La Ligue des droits de l’Homme organise à Lens une manifestation pour rappeler que la République française persiste à ne pas répondre à la question : qu’est-il advenu de Maurice Audin depuis son arrestation le 11 juin 1957 à Alger par les parachutistes du général Massu ? Une disparition emblématique des milliers d’exécutions sommaires commises à l’époque de la guerre d’Algérie.”
Le communiqué de la LDH, enrichi de plusieurs articles de presse et prises de position de spécialistes, donne le ton : il s’agit de mettre l’Etat français sous pression pour qu’il reconnaisse “le crime d’Etat qu’a été l’assassinat de Maurice Audin, ainsi que la pratique de la torture et les violations massives des droits de l’homme par l’armée française durant la guerre d’Algérie”.
Maurice Audin, professeur de mathématiques de 25 ans et membre du Parti communiste algérien, n’a plus donné signe de vie depuis son arrestation à son domicile algérois le 11 juin 1957 par les parachutistes du Général Massu. Il fait partie des quelque 3 000 personnes, en grande majorité des Algériens, arrêtées et “portées disparues” pendant l’épisode de la « Bataille d’Alger” (de janvier à octobre 1957).
“Mais de quoi Maurice Audin est-il mort?”
Le 18 juin dernier, à l’occasion de la remise du Prix Maurice Audin, créé en 2004 pour récompenser conjointement des mathématiciens originaires des deux rives de la Méditerrannée, le Président français François Hollande déclarait : “les documents et les témoignages dont nous disposons aujourd’hui sont suffisamment nombreux et concordants pour infirmer la thèse de l’évasion qui avait été avancée à l’époque. M.Audin ne s’est pas évadé, il est mort en détention.”
Cette déclaration constitue la première reconnaissance officielle d’un mensonge d’Etat véhiculé pendant 57 ans. Un geste historique mais insuffisant, selon Gilles Manceron. “Mais de quoi Maurice Audin est-il mort alors qu’il était détenu par les parachutistes?” interroge cet historien spécialiste du colonialisme français. “Là-dessus, il [M.Hollande] ne dit rien. […] Écarter la version de l’évasion revient à enfoncer une porte ouverte.”
“Connaître l’enchaînement des décisions qui ont conduit à un tel arbitraire et une telle violence”
Dans une contribution publiée le 24 juin, Gilles Manceron poursuit en citant “L’appel des 171 pour la reconnaissance de ce crime d’Etat et des violations massives des droits de l’Homme par l’Armée française durant la guerre d’Algérie”, lancé le 24 mars 2014 à Paris par la LDH, en collaboration avec les journaux Mediapart et L’Humanité. Le professeur réitère ainsi la demande formulée aux autorités françaises de mettre à disposition d’une commission d’historiens “toutes les archives concernées”, et demander officiellement aux autorités algériennes d’entreprendre “toutes les recherches nécessaires” pour retrouver le corps de Maurice Audin, vraisemblablement enterré dans une fosse commune en banlieue d’Alger, avec “des centaines d’Algériens torturés et tués eux aussi par l’Armée française”.
Le texte conclut en appelant à prendre du recul par rapport à l’histoire récente : “Elles [les autorités françaises] doivent permettre aux citoyens d’aujourd’hui de connaître l’enchaînement des décisions qui ont permis à cette époque que se déploient à Alger un tel arbitraire et une telle violence. […] Ce n’est pas seulement une question d’histoire, c’est un enjeu civique.”
“L’assassinat de Maurice Audin, 57 ans de mensonge d’Etat”, Colisée de Lens (12, rue de Paris), vendredi 19 septembre de 18h30 à 23h.