Ce Jeudi 22 septembre 2016 restera dans les annales de l’histoire judiciaire en Algérie. Ce jour-là, au tribunal de Tizi-Ouzou, les juges ont reconnu officiellement que le procès de la tristement célèbre affaire du Port d’Alger a été bidonné depuis des années. Rejugée en présence des inculpés, 4 anciens cadres de l’entreprise portuaire d’Alger (EPAL) et un manutentionnaire privé, cette affaire commence à livrer ses secrets.
Les personnes inculpées ont été condamnées en 2010 pour “association de malfaiteurs et conclusion d’un contrat en violation des dispositions de la loi et de la réglementation pour l’octroi d’avantages injustifiés à autrui”. Ils ont d’ores et déjà purgé une peine de 3 à 5 ans de prison ferme. Un condamnation qui s’avère, quelques années plus tard, entièrement injuste puisque la juge Fadila Bouamrane a reconnu au cours de ce procès que le dossier de cette affaire a été vidé de sa substance. Madame la juge a fait comprendre à l’assistance, venue nombreuse pour assister à ce procès, qu’il n’y avait presque plus rien à juger dans ce scandale « monté de toutes pièces » comme l’a si bien expliqué l’avocat des victimes, maître Mokrane Aït Larbi.
Selon ce dernier, dans cette triste affaire où des personnes ont été condamnées à la prison sans réunir les preuves de leur culpabilité, la justice « a été victime du politique ». « Arrêter ce massacre. Ce dossier a été jugé avec des non-dits », explique le même avocat en soulignant que ce procès a été fabriqué de toutes pièces pour mettre en prison des innocents.
Mais qui est à l’origine de cette machination ? Au cours du procès, les langues se sont déliées et le nom de Sofiane, l’ex-colonel du DRS chargé de la sécurité du Port d’Alger, a été cité publiquement pour la première fois dans un tribunal. Cet officier qui a trahi son institution est accusé par les inculpés et leurs avocats d’avoir usé de son pouvoir pour détourner des marchés au port d’Alger « à ses fins personnels ». Avec ce comportement, le colonel a déshonoré son institution d’autant plus qu’il a été également accusé par les inculpés d’avoir touché un pot-de-vin pour libérer de la prison un autre manutentionnaire privé impliqué dans cette affaire rocambolesque. Ces graves accusations ont laissé pantois l’assistance.
L’autre grand moment de ce procès fut la plaidoirie de l’avocat de la partie civile, à savoir l’EPAL. Ce dernier a révélé officiellement que son client n’a jamais subi le moindre préjudice. Pis encore, l’EPAL a été contrainte de se constituer « partie civile » suite à des pressions « venues d’en haut ». Après avoir reconnu que cette affaire constitue en réalité un dossier « bidon », l’avocat de l’EPAL a jeté un pavé dans la marre en confiant qu’il avait été approché en 2010 par le doyen des juges d’instruction du tribunal de Sidi M’hamed d’Alger, Rachid Allane, lequel lui avait demandé de l’aider à « qualifier ce dossier » et d’alourdir les chefs d’inculpation dans le but d’accabler définitivement les accusés de l’affaire du Port d’Alger. Une révélation fracassante qui démontre que le procès des détenus de l’affaire du Port d’Alger a été faussé dés le départ.
Ce feuilleton judiciaire connaîtra son dénouement le jeudi 29 septembre. Le verdict est attendu avec beaucoup d’impatience par tous les acteurs de cette affaire. La justice algérienne ira-t-elle jusqu’au bout de son travail de vérité en réhabilitant les victimes qui ont été détenues arbitrairement sans qu’une seule preuve de leur culpabilité ne soit fournie ? Cette affaire intervient au moment où la justice algérienne entame son processus de réforme qui devrait lui permettre de restituer la dignité aux personnes injustement condamnées dans des procès expéditifs. Le verdict de l’affaire du Port d’Alger fournira enfin l’opportunité au pouvoir politique de tenir sa promesse. Celle de « laver l’honneur » de ces milliers de cadres condamnés à la prison dans des affaires montées de toutes pièces par des « officines secrètes » comme l’a si bien expliqué il y a de cela quelques mois le patron du FLN, Amar Saâdani.