Laksaci limogé/ Mais ou est donc  passé le dernier rapport de la Banque d’Algérie ?       Par Hassan Haddouche

Redaction

Mohamed Laksaci se porte très bien. Merci pour lui. Je tiens l’information de personnes qui le côtoie quotidiennement depuis plus de 20 ans. Si donc, contrairement à une information donnée par quelques médias la semaine dernière, le départ forcé du gouverneur de la Banque d’Algérie n’est pas dû  à des « raisons de santé», on est bien obligé d’y voir un signal en matière de politique économique. En l’espèce, il s’agit même d’un mauvais signal.

La nouvelle a créé un véritable effet de surprise. Le gouverneur de la Banque d’Algérie (BA), Mohamed Laksaci a été relevé de ses fonctions par le chef de l’Etat. La décision a été prise suite à une réunion du Conseil des ministres, tenue  mardi dernier  à Alger. Mohamed Laksaci était en poste depuis 2001. Avant d’être nommé gouverneur au début des années 2000, M. Laksaci  était déjà directeur des études de la BA pendant toutes les années 90 et à ce titre, il avait été un des interlocuteurs privilégiés des institution financières internationales. Pour l’instant, on enregistre peu de réactions en Algérie à la suite de cette annonce inattendue. Le limogeage de Mohamed Laksaci est en revanche déjà interprété comme un «mauvais signal» dans les milieux spécialisés nationaux et étrangers.

Les «avertissements» de la Banque d’Algérie

 Au cours des dernières années, la Banque d’Algérie s’était en effet «reconstruit» une réputation d’indépendance, en particulier  grâce à une série d’«avertissements» adressés au gouvernement à propos de la montée des déséquilibres financiers internes et externes consécutifs à la chute des revenus pétroliers, une posture qui   lui avait valu  une certaine estime médiatique. Les derniers rapports de la Banque d’Algérie confirmaient «l’ampleur du choc externe qui pèse sur une économie nationale, très vulnérable à la ressource hydrocarbures». Ils jugeaient en particulier «insoutenable» l’évolution des finances publiques et «préoccupante» la réduction accélérée  des réserves de change en invitant explicitement le gouvernement à opérer les ajustements nécessaires en matière de réduction des dépenses publiques et de contrôle des importations.

Le dernier rapport a disparu

Or, il se trouve qu’on attends toujours  le rapport de la Banque d’Algérie sur la situation financière du pays à fin 2015. Cette «note de conjoncture» aurait dû normalement être publiée au plus tard au mois d’avril dernier. Alors que  s’ouvre, aujourd’hui même, une réunion capitale de la «tripartite» qui est appelée à se pencher sur le «nouveau  modèle économique algérien», on imagine facilement que l’ensemble des participants gagneraient à être informés sur des sujets aussi sensible que la situation de nos réserves de change ou l’état du solde du Fonds de régulation des recettes budgétaires. Selon nos sources, le texte est prêt depuis plusieurs semaines. Son contenu aurait-il  un rapport avec le remplacement de M. Laksaci et que fera le nouveau gouverneur, installé jeudi dernier, de ce rapport si encombrant ?

 Laksaci a payé les pots cassés de l’ajustement.

La politique monétaire  mise en œuvre par la Banque d’Algérie était  en passe de devenir  particulièrement impopulaire depuis plusieurs  mois. Sous l’autorité de Mohamed Laksaci, la Banque d’Algérie n’a en effet pas fait mystère du nécessaire  «ajustement» de la valeur  de la monnaie nationale par rapport  au niveau de la rente pétrolière. Les médias nationaux s’insurgent régulièrement contre les niveaux  records atteints par la dépréciation du dinar. M. Laksaci lui-même avait été fortement chahuté, voici quelques semaines, par des députés, y compris au sein de la majorité présidentielle, qui lui ont reproché notamment d’avoir «détruit le dinar» et ont réclamé purement et simplement la «fermeture du marché parallèle de la devise» sur lequel la valeur du  dinar algérien a fortement reculé.

Une Banque d’Algérie qui ferme le robinet du financement des importations…

Une autre mesure  n’a certainement pas contribué à renforcer la popularité de l’ancien gouverneur auprès de certains cercles dirigeants. Les mesures d’ajustement au nouveau contexte pétrolier mise en œuvre par la Banque d’Algérie ne s’arrêtent cependant pas à la seule gestion du taux de change du dinar. La Banque d’Algérie a également  manifesté une réelle  réactivité dans le domaine qui relève de ses compétences en matière de gestion du commerce extérieur. Elle a en particulier «fermé le robinet» du financement bancaire des importations en  réduisant  à deux reprises le ratio prudentiel des fonds propres des banques par rapport à leurs engagements au titre du commerce extérieur. Elle a ainsi divisé par quatre les financements disponibles auprès des banques en contribuant  certainement de façon significative à la réduction des importations constatée depuis l’année dernière.

Au total, la banque centrale et son gouverneur semblent donc bien mal récompensés de l’efficacité de leur action  et de la réactivité de l’institution face au «choc externe de grande ampleur» que subit l’économie algérienne depuis près de deux ans. En mettant fin aux fonctions de  Mohamed Laksaci, le President Boutéflika a sanctionné la seule institution à avoir depuis 18 mois engagé sérieusement le processus d’ajustement de l’économie algérienne aux nouvelles conditions du marché pétrolier.

Interrogations sur l’après Laksaci

Beaucoup d’observateurs et d’acteurs du milieu financier sont aujourd’hui tentés de donner une signification de politique économique au remplacement de Mohamed Laksaci. On souligne d’abord que Mohamed Loukal, le nouveau gouverneur de la Banque d’Algérie, qui devrait être installé ce jeudi 2 juin dans ses nouvelles fonctions, est l’ancien PDG de la Banque extérieure d’Algérie (BEA) et a effectué toute sa carrière dans des  banques commerciales publiques. «Ce n’est pas du tout le même métier que celui de banquier central» commente une source au sein de l’institution  qui n’hésite pas à voir dans ce choix  une inflexion en faveur d’un plus grand «laxisme» dans la politique monétaire et financière de la  Banque d’Algérie.

Un banquier tente d’éclairer les enjeux : «Jusqu’ici, l’ajustement s’est fait essentiellement par la gestion du taux de change et la consommation d’une partie des réserves financières. Au cours de la période à venir, le levier principal pour combler les déficits , dés lors que le FRR est quasiment épuisé, va être d’abord, l’emprunt, qui risque de rencontrer rapidement des limites. Ensuite, il faudra en interne se tourner vers la planche à billet surtout si on cherche à éviter une dépréciation supplémentaire du dinar». De toutes les façons, la gestion des (dé)équilibres financiers internes et externes s’annonce comme un exercice périlleux au cours des années à venir. Commentaire de notre banquier: «Le cadeau, on l’a fait à celui qui part et pas à celui qui arrive».

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