Dans un contexte de tensions croissantes entre la France et l’Algérie, une nouvelle étape vient d’être franchie avec l’annonce du dépôt d’une plainte par l’Algérie contre Sarah Knafo, eurodéputée française affiliée au parti d’Éric Zemmour. Cette démarche, qui intervient après des années d’instrumentalisation de l’Algérie dans le débat politique français, marque un tournant décisif dans les relations bilatérales entre les deux pays. Au-delà du cas particulier de Sarah Knafo, c’est une réponse ferme à la montée de la rhétorique extrémiste en France qui fait de l’Algérie un bouc émissaire pour des gains politiques internes.
Une Relation Franco-Algérienne en Crise
Le Contexte Historique des Tensions
Les relations entre la France et l’Algérie ont toujours été marquées par une histoire complexe, faite de colonisation, de luttes pour l’indépendance, et de souvenirs douloureux qui continuent de hanter les mémoires des deux côtés de la Méditerranée. Depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, les relations entre les deux pays oscillent entre coopération et conflit, souvent influencées par des questions mémorielles non résolues et par les enjeux migratoires.
Ces dernières années, la montée en puissance des mouvements de droite et d’extrême droite en France a exacerbé les tensions. Ces courants politiques, cherchant à capter l’électorat le plus conservateur, n’ont pas hésité à instrumentaliser l’Algérie et ses ressortissants pour alimenter des discours xénophobes et nationalistes. Le passé colonial, les questions migratoires, et les accusations d’ingérence ou de dépendance économique sont devenus des thèmes récurrents dans les débats publics français, souvent utilisés pour stigmatiser l’Algérie et la communauté algérienne en France.
Sarah Knafo et la Politique de la Provocation
Sarah Knafo, figure montante de la droite extrême française, s’inscrit pleinement dans cette dynamique. Conseillère et compagne d’Éric Zemmour, elle a su se faire une place dans le paysage politique français en adoptant une posture radicale, n’hésitant pas à utiliser des fake news pour appuyer son discours. La dernière en date concerne une prétendue aide financière de 800 millions d’euros que la France verserait chaque année à l’Algérie au titre de l’aide au développement.
Cette affirmation, totalement infondée, a déclenché une vive réaction du gouvernement algérien, qui a décidé de porter plainte contre l’eurodéputée pour diffamation. Pour Alger, il ne s’agit plus seulement de répondre à une attaque isolée, mais de mettre un terme à une campagne de dénigrement systématique menée par certains courants politiques en France.
L’Algérie : Une Souveraineté Réaffirmée
Le Refus de la Dépendance Économique
L’Algérie a toujours été très attachée à sa souveraineté, un principe fondateur de son identité nationale depuis l’indépendance. Ce principe se traduit par un refus catégorique de toute forme de dépendance économique, en particulier vis-à-vis des anciennes puissances coloniales. Le gouvernement algérien a, à plusieurs reprises, réaffirmé son rejet de l’endettement extérieur et de toute forme d’aide conditionnée, préférant développer ses propres ressources et renforcer son économie de manière autonome.
L’accusation de Sarah Knafo selon laquelle l’Algérie dépendrait de l’aide au développement de la France est donc perçue comme une atteinte grave à cette souveraineté. Pour Alger, il est crucial de défendre cette image d’un pays libre, qui refuse toute forme de tutelle étrangère. Cette position est d’autant plus importante à un moment où l’Algérie aspire à rejoindre le club des pays émergents, avec un objectif ambitieux de porter son PIB à plus de 400 milliards de dollars.
Une Politique de Réformes Ambitieuses
Pour atteindre ces objectifs, l’Algérie a engagé ces dernières années une série de réformes économiques visant à diversifier son économie, longtemps dépendante des hydrocarbures. Le gouvernement a mis en place des mesures pour encourager l’investissement, moderniser les infrastructures, et soutenir les secteurs stratégiques tels que l’agriculture, les énergies renouvelables, et l’industrie manufacturière.
Ces réformes sont essentielles pour renforcer l’indépendance économique du pays et pour lui permettre de jouer un rôle plus actif sur la scène internationale. Dans ce contexte, les accusations de dépendance économique formulées par des figures politiques françaises sont non seulement fausses, mais aussi nuisibles à l’image de l’Algérie à l’étranger.
La France et l’Algérie : Une Relation Instrumentalisée
L’Algérie, Bouc Émissaire de la Droite Française
La montée en puissance des mouvements d’extrême droite en France a conduit à une instrumentalisation croissante de l’Algérie dans les débats politiques. Pour ces mouvements, l’Algérie est devenue un symbole commode pour incarner tous les maux dont souffre la France : immigration, insécurité, perte d’identité nationale. En stigmatisant l’Algérie et les Algériens, ces courants cherchent à mobiliser un électorat sensible aux thématiques identitaires et sécuritaires.
Cette stratégie a des conséquences directes sur les relations franco-algériennes, qui se trouvent de plus en plus fragilisées par des discours de haine et de division. Elle empêche également les deux pays de progresser sur des dossiers importants, tels que la réconciliation mémorielle, la coopération économique, ou la gestion des flux migratoires.
Une Mémoire Toujours à Vif
La question mémorielle reste l’un des principaux points de tension entre la France et l’Algérie. Plus de soixante ans après la fin de la guerre d’Algérie, les cicatrices de ce conflit sont encore loin d’être refermées. En France, le débat sur la colonisation et la guerre d’indépendance continue de diviser, avec d’un côté ceux qui plaident pour une reconnaissance des crimes commis, et de l’autre ceux qui refusent toute forme de repentance.
En Algérie, la mémoire de la lutte pour l’indépendance est au cœur de l’identité nationale. Pour de nombreux Algériens, toute tentative de minimiser ou de justifier les crimes de la colonisation est perçue comme une attaque contre la souveraineté et la dignité du pays. C’est pourquoi les déclarations de certains responsables politiques français, qui semblent vouloir réhabiliter l’image de l’Algérie française, suscitent une vive indignation de l’autre côté de la Méditerranée.
La Réponse Algérienne : Un Acte de Résistance
Une Plainte Qui Marque une Rupture
La décision de l’Algérie de porter plainte contre Sarah Knafo s’inscrit dans une volonté plus large de mettre un terme à la surenchère verbale et aux fake news qui circulent en France au sujet du pays. En prenant cette initiative, Alger envoie un message clair : celui de ne plus tolérer que son nom soit utilisé à des fins de manipulation politique.
Cette plainte pourrait également être le prélude à une réévaluation plus générale des relations entre les deux pays. L’Algérie, qui n’a plus d’ambassadeur à Paris depuis plusieurs mois, pourrait bien décider de durcir encore sa position si les attaques se poursuivent. Pour Alger, il est essentiel de rétablir un dialogue basé sur le respect mutuel et sur la vérité des faits, loin des calculs électoralistes et des discours de haine.
Un Signal aux Courants Extrémistes
En s’attaquant à une figure de l’extrême droite française, l’Algérie souhaite également envoyer un signal fort à tous ceux qui, en France, instrumentalisent le pays pour leurs propres intérêts. Il s’agit de rappeler que l’Algérie n’est pas un tremplin pour les ambitions politiques de quelques-uns, mais une nation souveraine qui mérite le respect.
Ce signal est d’autant plus important que l’Algérie est en train de se repositionner sur la scène internationale, en renforçant ses alliances et en diversifiant ses partenariats. Dans ce contexte, toute tentative de déstabilisation ou de stigmatisation est perçue comme une atteinte directe aux intérêts nationaux.
Une Nouvelle Page à Écrire ?
La Nécessité d’un Dialogue Apaisé
Malgré les tensions actuelles, il est dans l’intérêt des deux pays de maintenir un dialogue apaisé et constructif. La France et l’Algérie partagent une histoire commune, certes douloureuse, mais qui pourrait aussi être une source de rapprochement et de coopération. Pour cela, il est essentiel que les responsables politiques des deux côtés s’engagent à respecter les sensibilités de chacun et à éviter les provocations inutiles.
Le litige mémoriel, qui empoisonne les relations bilatérales depuis des décennies, pourrait être l’occasion de lancer une réflexion commune sur l’avenir. Plutôt que de se focaliser sur le passé, il serait plus constructif de regarder vers l’avenir et de travailler ensemble sur des projets communs, qu’ils soient économiques, culturels ou sociaux.
Vers une Nouvelle Ère de Coopération ?
L’Algérie, qui aspire à rejoindre le club des pays émergents, a tout intérêt à renforcer ses partenariats internationaux, y compris avec la France. Les deux pays ont beaucoup à gagner d’une coopération renforcée, notamment dans les domaines de l’énergie, de la recherche, et de la formation. Pour cela, il est nécessaire de surmonter les divisions actuelles et de construire une relation basée sur la confiance et le respect mutuel.
La plainte contre Sarah Knafo pourrait ainsi être le point de départ d’une nouvelle ère dans les relations franco-algériennes. Une ère où les différends sont résolus par le dialogue et non par l’invective, où les deux nations travaillent ensemble pour relever les défis communs, et où les fantasmes du passé laissent place à une coopération tournée vers l’avenir.
Conclusion : L’Algérie, Acteur Souverain sur la Scène Internationale
En déposant une plainte contre Sarah Knafo, l’Algérie affirme sa volonté de défendre sa souveraineté et de mettre un terme à la manipulation politique dont elle fait l’objet en France. Cet acte de résistance marque une rupture avec les années de surenchère verbale et de stigmatisation, et ouvre la voie à une possible réévaluation des relations entre les deux pays.
Il appartient désormais aux responsables politiques français de prendre la mesure de ce message et de s’engager dans une voie de respect mutuel et de coopération. Car si l’Algérie est prête à défendre son honneur et sa réputation, elle n’en reste pas moins ouverte à un dialogue constructif, pour peu que celui-ci soit fondé sur la vérité et sur des intérêts partagés.