Littérature/ Yasmina Khadra à Rachid Boudjedra: «  »Lorsque tu te terrais à Paris, je menais une guerre atroce dans les maquis terroristes »

Redaction

Yasmina Khadra, l’écrivain algérien le plus lu dans le monde, adresse une réponse cinglante à Rachid Boudjedra, suite aux attaques dont il a été l’objet dans le pamphlet publié par ce dernier et intitulé  » Les contrebandiers de l’Histoire « .
« Lettre à Rachid Boudjedra,
Je sais que tu crèves d’envie que je réagisse à tes diatribes, persuadé que mon mépris te martyriserait moins que mon silence. Qu’à cela ne tienne. Puisse mon mépris te toucher comme une grâce et t’éveiller au ridicule dans lequel tu te complais comme le ver dans le fruit. Tu dis que je ne suis pas un écrivain. C’est ton droit. Pourquoi te faut-il en souffrir ? Tu as voulu semer le doute au sein de ma famille. Raté. J’ai la chance d’avoir épousé la plus merveilleuse des femmes. Tu me traites de bougnoule de service ? Sache que suis boycotté par l’ensemble des institutions littéraires de France depuis 2008. Tu contestes mon algérianité ? Je te rappelle que lorsque tu te terrais à Paris, durant la décennie noire, je menais une guerre atroce dans les maquis terroristes. Sans mes compagnons de combat et mes milliers de morts, jamais tu n’aurais remis les pieds en Algérie.
Détrompe-toi, Rachid. Je ne suis qu’un romancier qui s’évertue à mériter l’intérêt de ses lecteurs. Sans fard ni fanfare. Sans polémiques ni la moindre agressivité. Je travaille dur, tu sais ? Personne ne me fait de cadeau. Ce n’est pas un hasard si je demeure, à ce jour, l’écrivain algérien le plus lu en Algérie, l’écrivain maghrébin le plus lu au Maghreb, l’écrivain araberbère le plus traduit (50 pays) et le plus apprécié (10 millions de lecteurs) dans le monde.
Au lieu de passer ton temps à traîner dans la boue les étoiles du ciel, Rachid, tâche de soigner tes textes. Notre pays a trop souffert des jalousies crétines et des anathèmes. Nos enfants attendent de voir en leurs génies les aurores boréales qui manquent à leur horizon.
Aucun pays ne peut s’émanciper sans mythes et aucune jeunesse ne peut forcir sans idoles. Si notre pays n’en dispose pas, créons-les de toutes pièces comme font les nations fières de leur culture, au lieu de nous empresser de décapiter toute tête qui émerge.
Puisse Dieu pardonner tes aigreurs puisque je te pardonne.
Avec tout mon chagrin ».
L.R.