Le marché de l’affichage extérieur en Algérie est au coeur d’une vive polémique ces dernières semaines. De nombreuses pratiques sombres et douteuses soulèvent des interrogations sur le mode d’attribution des marchés juteux par les villes et communes à des opérateurs privés appartenant à des personnages très influents.
C’est un domaine méconnu de l’opinion publique. Et pourtant, les enjeux commerciaux et stratégiques sont délicats. L’affichage extérieur se développe beaucoup en Algérie. Petit à petit, les panneaux publicitaires s’implantent un peu partout à travers le pays. Sauf que ce marché ne connait aucune transparence et les autorités ne semblent pas veiller sur le respect des règles de la concurrence loyale. Preuve en est, deux opérateurs privés, Innomedia et Novasup, bénéficieraient d’une facilité déconcertante pour décrocher des marchés publics aux montants considérables. Et comme par hasard, ces deux sociétés appartiennent à un certain Ahmed Karim Benmansour qui est tout bonnement le neveu du Président de la République, Abdelaziz Bouteflika.
Ce qui ne constitue, certes, ni un crime ni un délit. Mais ces deux sociétés ont obtenu depuis 2012 des privilèges étonnants puisque des centaines de leurs panneaux publicitaires ont été installés sur le domaine publique sans recourir à la procédure d’appel d’offres qui est, pourtant, obligatoire. Ainsi, à titre d’exemple, à l’ouest du pays, Oran, Tlemcen, Mostaganem, Ain Témouchent, près de 150 panneaux ont été installés par ces deux entreprises privées appartenant au neveu d’Abdelaziz Bouteflika sans passer par une procédure d’appel d’offre comme le stipule le Code des Marchés publics, a-t-on appris de plusieurs sources concordantes.
A la wilaya d’Alger, 150 panneaux sont en cours d’installation au niveau d’El-Mouradia, Bir Mourad Raïs, Kouba, Hydra, El-Biar ainsi que Hussein Dey. Aucune trace d’un marché remporté suite à un appel à la concurrence n’a été retrouvée par nos soins. Ces installations ont eu lieu juste quelques mois seulement avant l’organisation d’appels d’offres pour l’exploitation de l’affichage publicitaire au sein des villes d’Oran et d’Alger. Autre constat qui attise les soupçons : ces mêmes deux sociétés privées ont procédé à l’installation de panneaux publicitaires de grand format (75m2) dans certaines zones urbaines (Centre-ville de Boumerdès, route passant à l’arrière du stade du 5 juillet, etc.) où l’installation de structures de cette taille ne semble pas autorisée puisqu’un cahier de charge strict et des normes précises doivent être respectées. Il est à signaler que le non-respect du Code des Marchés publics empêche toute concurrence pour l’attribution des emplacements dédiés à l’installation des panneaux publicitaires. Ce qui va minimiser la contrepartie financière accordée aux villes et communes concernées.
Les anomalies ne s’arrêtent pas là puisque nous retrouvons les deux afficheurs publicitaires dans l’exploitation publicitaire des passerelles de l’aéroport d’Alger. Un autre marché important qui date de 2014 selon nos informations et d’après nos sources, aucun recours à une procédure d’appel d’offres n’a été constaté. Des sources proches de ce dossier ont révélé à Algérie-Focus qu’aucune garantie financière de solvabilité habituellement exigée pour ce type de contrat n’a été présentée par les entreprises du neveu du Chef de l’Etat. Et pourtant, le cahier des charges de l’appel d’offre de juin 2013 pour l’exploitation publicitaire de l’aéroport d’Alger impose ces garanties financières.
Nos investigations nous permis de découvrir que l’une des sociétés d’Ahmed Karim Benmansour, NOVASUP, a signé également un contrat pour l’exploitation de l’affichage publicitaire digital avec l’aéroport d’Alger alors que celui-ci est déjà en contrat exclusif avec une société multinationale. Est-ce cohérent ? Est-ce transparent ? Pour répondre à ces questions, nous avons pris attache avec la direction d’Innomedia et Novasup pour leur demander des éclaircissements et des explications.
Au téléphone, un agent d’Innomedia nous a promis qu’un des managers va nous rappeler pour répondre à toutes nos questions. Une promesse qui n’a nullement été tenue et aucun responsable de Novasup ou d’Innomedia n’a daigné nous recontacter. Notre premier interlocuteur s’est contenté uniquement de nous assurer que toutes les installations de nos « panneaux publicitaires » ont été autorisées par les pouvoirs publics suivant la réglementation en vigueur. A entendre le même interlocuteur, les marchés obtenus par les deux entreprises du neveu du Président ne souffrent d’aucune pratique anticoncurrentielle ou frauduleuse. Nous aurions, tout de même, souhaité des réactions plus précises concernant les informations révélées par nos soins. Malheureusement, les managers de ces deux afficheurs publicitaires ont souhaité se murer dans le silence.