«Nos jeunes (…) ne doivent pas, pour quelque motif idéologique ou politique que ce soit, succomber à l’illusion car l’Algérie par la grâce d’Allah, est fortement attachée à ses principales composantes identitaires avec à leur tête l’Islam.» Ce sont les termes convoqués, par voie épistolaire, par le président Abdelaziz Bouteflika à l’adresse de la jeunesse, à l’occasion de la journée nationale du Chahid, afin de l’exhorter à ne pas succomber aux chants de sirène de l’islamisme radical. Mais un appel, aussi sensé et pertinent soit-il, peut-il avoir un quelconque impact face au poids écrasant des privations, des frustrations et des désillusions ? Peu probable !
Se sentant trahie, abusée par des promesses jamais honorées, la jeunesse algérienne ne croit plus en rien. Surtout pas en des dirigeants pataugeant insouciamment dans la mare trouble de la corruption, de la prévarication et de la gabegie. Pire, face à un horizon plombé, elle développe des réflexes nihilistes, dont les conséquences peuvent être calamiteuses pour l’avenir de notre pays.
Après 16 ans de bouteflikisme, le constat est accablant. Sans appel. L’embellie financière, générée par la hausse sans précédent des cours des hydrocarbures, n’a servi qu’à rendre encore plus gras les pâturages du régime et de ses clientèles, laissant sur le carreau le plus grand nombre. Ainsi, malgré le bidouillage des statistiques, le chômage atteint toujours des sommets vertigineux, la déperdition scolaire n’a jamais autant prospéré et la délinquance étend ses tentacules à des territoires de plus en plus vastes de nos centres urbains.
A ce profond malaise social, vient se greffer une intolérable chape de plomb morale et culturelle. Les « gardiens de la vertu » se sont attelés méthodiquement à mettre sous scellés les lieux de loisirs et de divertissement, livrant les jeunes à l’oisiveté et son corollaire, le vice. C’est ainsi que nous sommes arrivés à la situation absurde où la majorité d’entre ceux-ci n’ont jamais foulé le sol d’une « salle obscure » ou eu l’opportunité d’esquisser quelques pas de danse lors d’un concert.
A partir de là, le champ est balisée et la voie toute tracée aux mouvements radicaux qui se nourrissent du désespoir social et du néant culturel. Cet état de fait rend d’avantage pathétique et singulièrement déplacé l’appel de Bouteflika. Le seul service qui vaille et que notre gérontocrate peut encore rendre à la jeunesse est de partir avant que ce ne soit trop tard. Avant d’atteindre le point de non-retour.
Rachid Ikhenoussène