Messieurs les juges, faites votre travail ! Par Abdou Semmar

Redaction

Des révélations gravissimes et des accusations de corruption très dangereuses sont portées sur la scène publique par plusieurs députés et personnalités politiques. Des noms ont été avancés et des montants ont été révélés. En dépit de cela, vous êtes restés silencieux, indifférents. Ce qui démontre à quel point vous ne faites plus le travail pour lequel le peuple algérien  vous honore de son respect.

Le pouvoir que vous avez n’est pas une illusion. Il durera, aussi longtemps, que le peuple continuera de croire en votre utilité.  Or, aujourd’hui, celle-ci pose problème pour les citoyens ordinaires que nous sommes car votre totale et étonnante absence de ce grand déballage relance plus que jamais le débat sur votre légitimité. Qu’est-ce qui vous empêche concrètement de vous auto-saisir lorsque Louisa Hanoune accuse publiquement monsieur le député Baha Eddine Tliba d’être impliqué indirectement dans la mort de l’ancien wali d’Annaba ? Qu’est-ce qui vous empêche de déclencher une enquête lorsqu’Amar Saâdani révèle que 4000 cadres algériens ont été emprisonnés à cause des rapports bidonnés et bâclés par certains colonels du DRS ? Qu’est-ce qui vous empêche de partir à la rencontre de Chakib Khelil pour comprendre les véritables dessous du scandale de Sonatrach ? Comment expliquer autrement le fait que sans aucune retenue et sans hésitation, vous acceptez de servir d’instruments politiques consacrant l’impunité ? Il est peut être temps qu’à défaut d’exercer votre indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, qu’au moins vous appliquiez la loi, que vous l’appliquiez avec lucidité.

Cela signifie clairement vous auto-saisir, ouvrir des enquête et vérifier le bien-fondé de ces informations qui peuvent faire éclater la vérité sur des chapitres sombres de l’histoire de notre pays. Et inutile de nous expliquer qu’un député ne peut pas être jugé ou poursuivi pour ses propos en raison de son immunité parlementaire. Il est tout à fait possible d’ouvrir une enquête judiciaire sur les faits sans forcément les poursuivre ou les juger. Il est même possible de les condamner en cas de déclarations mensongères et le verdict peut être appliqué à la fin de leurs mandats. Vous n’avez donc aucune excuse. Pensez à ces familles détruites, ces vies ravagées à cause de l’impunité des commanditaires de ces scandales, de ces injustices. Au moment où tout le monde se plaint de la médiocrité de notre justice, de sa partialité et de son impuissance, vous devriez avoir une autre attitude que celle de verser dans la politique de l’autruche.

La compromission avec le pouvoir politique qui caractérise votre corporation est tout simplement inacceptable. Vous ne pouvez plus continuer à obéir, sans états âmes, aux ordres de ceux qui  briment les plus faibles et les plus fragiles d’entre nous.  Où est votre conscience ? Combien de milliards pourrait-on préserver si l’impunité cessait d’alimenter les affaires de corruption ? Combien d’entreprises publiques aurait-on pu sauvegarder, si les voleurs et les corrompus ne jouissaient plus de la complicité de votre institution ? Quel sera l’avenir de l’Algérie si ses propres juges se taisent face à l’arbitraire de ceux et celles qui pillent, dilapident pour ensuite s’enfuir et savourer la vie à l’étranger ? Il est difficile de croire que les membres du pouvoir judiciaire que vous êtes soient ignorants, à ce point, de l’importance du rôle que la Nation entend vous faire jouer. Nous osons croire que la situation lamentable des jeunes de notre pays, des populations de nos villes et campagnes ne vous laisse pas indifférents. Les juges, que vous êtes, peuvent nous aider, aider la jeunesse, aider les classes laborieuses à inventer, ensemble, dans la diversité, un avenir meilleur pour notre pays.  Nous avons besoin de juges qui disent le droit, rien que le droit, et qui s’efforcent de l’appliquer avec toute l’honnêteté que vous dicte votre mission.