Monsieur Djaballah, nous parlions tamazight avant toi et nous la parlerons après toi Par Abdou Semmar

Redaction

Etre rabat-joie, c’est le sacerdoce de l’islamiste. De celui qui est incapable de penser pour proposer un véritable projet de société. De celui qui est incapable d’imaginer un monde pour demain parce qu’il est prisonnier d’un passé fantasmatique. Et le roi des rabat-joie en Algérie a pour nom Abdellah Djaballah. Ce leader islamiste est monté récemment au créneau pour nous avertir…du danger que représente l’officialisation du tamazight. 

Cet acquis, arraché par tant de luttes, de sacrifices, de morts,  de mutilés d’exilés ou de torturés dans les geôles du régime parce qu’ils avaient osé se réclamer d’une autre identité, d’une autre culture que celle imposée par le pouvoir, fait peur à notre ami Djaballah. Il lui fait peur parce que la hantise de notre islamiste est de voir tamazight transcrite dans l’alphabet latin.

Ah, le sacrilège ! L’alphabet latin, symbole de cet occident moderne et libre tant haï par Abdellah Djaballah et ses semblables. Et pourtant, notre islamiste adoré semble ignorer un élément fondamental dans ce débat ô combien délicat! Nous, Algériens, parlions tamazight bien avant l’Occident, bien avant lui, et nous le parlerons encore après la fin de l’Occident et, cela va de soi, bien après lui !

Et contrairement aux mensonges de Djaballah, tamazight n’a jamais menacé une autre langue. L’expansion de l’arabe est un fait. La renaissance de tamazight est aussi une vérité que ni vous, ni vos thuriféraires ne peuvent contester ou freiner. L’ikhwaniste Djaballah dit être opposé « à ce que cette langue soit transcrite dans l’alphabet latin » car, « si cela se produisait, ce serait une atteinte à la langue arabe », voire carrément l’islam. Or, il se trouve que la langue turque s’écrit, depuis Kamel Ataturk, avec alphabet latin. Cela n’a guère porté préjudice à l’islam ou l’identité musulmane de la Turquie. L’indonésien (bahasa Indonesia, littéralement «langue de l’Indonésie») est la langue officielle et nationale en Indonésie, le plus grand pays musulman du monde. Cette langue s’écrit aussi avec l’alphabet latin. L’Indonésie a-t-elle cessé d’être musulmane pour autant ? A-t-elle dévié des valeurs de l’islam ? Il se trouve même que dans ce grand pays, où le développement fait son petit bonhomme de chemin, il n’y a guère de dirigeants d’aussi mauvaise foi que Djaballah.

Oui, de mauvaise foi pour la simple raison qu’il instrumentalise la langue arabe, qu’il sacralise par ailleurs alors qu’aucune langue n’est sacrée, pour discréditer l’officialisation de notre langue maternelle, en tout cas celle de plusieurs millions d’Algériens. Comme vous n’avez pas le courage de reconnaître que tous les Algériens ne sont pas des « Arabes » comme vous l’entendez, vous semez la zizanie pour empêcher le rayonnement de tamazight qui apportera à notre pays cette diversité culturelle si nécessaire pour sa stabilité et son épanouissement.

Quant au débat sur l’alphabet que doit employé le tamazight, il ne date pas d’aujourd’hui. D’éminents chercheurs, tel Mouloud Mammeri, avec ses livres de la linguistique comme Tajerrumt n tmazigt et Précis de grammaire berbère, ont opté, sur des bases scientifiques et non idéologiques comme Djaballah, pour le latin. En tout cas, ce n’est pas rabat-joie islamiste de se prononcer sur ce débat qui nécessite des connaissances académiques qu’il n’a pas. Ce débat doit être mené dans la sérénité exigée par la science, loin de la passion de l’idéologie. Et si l’alphabet latin est le seul à même de garantir à notre langue maternelle l’avenir qu’elle mérite, nous l’adopterons. N’en déplaise à vous et vos adeptes qui tentent de nous empêcher d’être ce que nous sommes : des Amazighs !

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