Si vous n’avez pas aimé la Loi de finances 2016, vous allez détester la LF 2017     Par Hassan Haddouche

Redaction

C’est aujourd’hui même, mercredi 7 septembre, que le projet de Loi de finances pour 2017 devrait être soumis au gouvernement. Hormis quelques indiscrétions publiées par la presse sur  de nouvelles taxes, on sait encore assez peu de choses sur le texte préparé par le ministère des Finances. Les enjeux économiques et sociaux associés à cette nouvelle Loi de finances sont pourtant d’une grande importance.

Le nouveau ministre des Finances a déjà planté le décor. La Loi de finances 2017 introduira, pour la première fois,  une vision sur le moyen terme qui  «marquera le début d’adaptation du niveau des dépenses aux ressources financières du pays», a annoncé M. Hadji Baba Ammi, peu après sa prise de fonction.

C’est une vraie nouveauté. La Loi de finances 2017 ne nous parlera donc pas seulement des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’année à venir, mais également de la stratégie financière adoptée par l’Etat algérien pour éliminer progressivement le déficit colossal de nos finances publiques qui  représentera cette année encore plus de 16 % du PIB, après un chiffre presqu’identique en 2015. On va donc enfin connaître, on espère en détails, le contenu de cette «trajectoire budgétaire» sur trois et cinq ans évoquée depuis plusieurs mois à propos du «nouveau modèle économique algérien».

 En 2016, on a surtout continué à consommer les réserves financières

Une remarque d’abord, on se souvient des débats enflammés et de l’extraordinaire levée de boucliers qui avaient accompagné à l’automne dernier  l’adoption de la Loi de finances pour 2016. Finalement, la LF 2016 n’a pas «affamé les Algériens» comme on nous l’avait annoncé, même si leur pouvoir d’achat a été affecté par une  hausse des prix qui reste encore relativement maîtrisée. Et pour cause, ainsi que les chroniques économiques d’Algérie Focus le soulignaient à l’époque, de façon très solitaire, la Loi de finances pour 2016 ne préparait pas un budget d’austérité. En 2016, les dépenses de l’Etat, en particulier ses dépenses de fonctionnement, ont continué à augmenter et les subventions devaient même croître de 7% .

Résultat des courses, le déficit des finances publiques nationales devrait atteindre à la fin de l’année en cours le niveau faramineux de 3000 milliards de dinars (près de 30 milliards de dollars).

Un FRR pas si vide que ça

Ce déficit sera financé principalement par la consommation des réserves financières contenues dans le Fonds de Régulation  des Recettes  (FRR), qui avait déjà largement commencé en 2015, et qui se poursuivra en 2016. Signalons, ce que bien peu de commentateurs semblent avoir relevé, que la Banque d’Algérie a indiqué pour la première fois au mois de juillet dernier, que le FRR contenait encore des réserves très conséquentes, de l’ordre de 2100 milliards de dinars, à fin 2015. Ce sont ces réserves qui vont, pour l’essentiel, permettre au budget de l’Etat de passer sans trop de difficulté le cap d’une année 2016 qui aura été très éprouvante du point de vue des recettes de la fiscalité pétrolière. Le complément de recettes nécessaire pour boucler l’année en cours sera, sans doute,  fourni par le produit de l’emprunt obligataire d’Etat, dont on ne connait pas encore le montant exact, mais dont le nouveau  ministre des Finances a promis la publication des résultats en Octobre. Patience.

 Un vrai casse-tête pour la Loi de finance 2017

Le problème auquel va faire face la LF 2017 apparaît, bien sûr, dans ces conditions très délicat à résoudre. Les réserves financières auront en effet pratiquement disparu l’année prochaine (à part un reliquat légal dans le FFR) et le recours à un nouvel emprunt d’Etat constituerait certainement un pari très risqué. Le pilotage des finances publiques nationales va donc entrer, à partir de 2017, dans une zone de turbulences ou un «trou d’air» qui est annoncé par nos meilleurs économistes.

Pour dire les choses simplement, l’Etat va devoir s’endetter auprès des agents économiques nationaux et étrangers pour financer au moins une partie de ses investissements. Ce qui est possible en raison de son très faible niveau d’endettement actuel. Il va devoir aussi faire appel à la Banque d’Algérie pour financer une partie de ses dépenses. Pour parler vulgairement, il va faire «fonctionner la planche à billets» avec les risques que cela comporte à terme en matière d’accélération de l’inflation et de perte de valeur de la monnaie nationale.

Éliminer le déficit en cinq ans

Pour que cette démarche, rendue nécessaire par la persistance de la déprime des marchés pétroliers, ne provoque pas trop de dégâts, il faut d’abord qu’elle soit limitée dans le temps. C’est la raison pour laquelle les autorités financières algériennes évoquent désormais une période de trois à cinq ans au cours de laquelle sera réalisée «graduellement la maîtrise des dépenses et leur adaptation à nos ressources financières». Il n’est pas nécessaire d’être un économiste très distingué pour comprendre que la signification financière concrète d’une telle démarche suppose en gros une réduction du déficit de finances publiques d’environ 5 à 600 milliards de dinars (5 à 6 milliards de dollars) par an au cours des cinq prochaines années.

De nouveaux impôts pour gonfler les recettes

 En 2017, on ne pourra pas raisonnablement compter sur la hausse du prix du baril pour parvenir à cet objectif et les prévisions de la loi de finances, qu’on attends avec intérêt dans ce domaine, seront certainement très prudentes (probablement entre 45 et 50 dollars pour le prix du marché).

Reste donc l’adaptation des recettes et des dépenses. Coté recettes, on va augmenter quelques impôts, surtout la TVA, de deux points, et la taxe intérieure sur la consommation(TIC) qui va également concerner plus de produits et augmenter sensiblement pour le tabac.

On va aussi en créer quelques autres dont une nouvelle «taxe d’efficacité énergétique», très bienvenue, qui frappera les équipements énergivores.

Il ne faut cependant pas se faire trop d’illusions sur le rendement de ces nouveaux impôts qui ne permettront pas à la fiscalité ordinaire de décoller véritablement, d’autant plus que les rendements des droits de douanes  vont continuer à diminuer sensiblement en raison de la réduction en cours des importations.

Le défi de la réduction des dépenses publiques

Si on ne peut pas compter sur une augmentation des recettes en 2017, il va donc falloir diminuer les dépenses. C’est ce que l’Etat  algérien n’a pas réussi à faire jusqu’ici de façon significative et le principal défi auquel il devra  faire face au cours des prochaines années.

 Dans ce domaine, on peut déjà relever deux enjeux principaux auquel le projet de loi de finance 2017 devra apporter des réponses. Le premier concerne le niveau des dépenses d’équipement de l’Etat qui sera programmé pour 2017. On s’attend à ce qu’il soit en baisse sensible, même si le Premier ministre a tenté de rassurer, ces derniers jours, en déclarant devant les députés que «l’Etat continuera à construire des logements, des écoles et des hôpitaux».

Le deuxième enjeu concerne la réduction des subventions et tout spécialement les subventions liées aux carburants et à l’énergie. La Loi de finances 2016, qui les chiffraient pour la première fois, estimaient globalement les seules  subventions énergétiques au montant considérable de  près de 14 milliards de dollars. Le gouvernement algérien est pressé de toutes parts, à la fois par les institutions financières internationales et par les think-tanks et les experts nationaux, de réduire sensiblement le niveau de ces subventions. Un premier pas a été fait dans cette direction par la Loi de finances 2016 qui a introduit des augmentations (modestes) des prix de l’essence et des tarifs de l’électricité. On s’attend généralement à une nouvelle augmentation des tarifs en 2017. Le secret est encore bien gardé sur ce chapitre sensible par le Premier ministre qui déclarait, voici quelques jours, devant les sénateurs, que le «gouvernement n’a encore rien décidé». Suspense encore pour quelques jours…

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