Nice ou l’agonie d’un monde désenchanté Par Farhat Othman

Redaction

Le nouvel attentat terroriste qui endeuille la France est un énième signe de l’agonie d’un monde en crise que Max Weber avait déjà qualifié de désenchanté.

Désenchantement du monde

Le sociologue allemand l’a démontré en situant la cause de ce désenchantement dans l’excès de rationalisation occidentale et sa matérialisation poussée à la caricature. D’après Weber, cela a fait la singularité de l’Occident, mais a désenchanté le monde en le désacralisant.

Il explique ainsi que la matérialisation poussée à l’extrême a entraîné un déclin des valeurs morales et esthétiques accroissant l’insatisfaction personnelle qu’exacerbe l’individualisation des sociétés capitalistes.  Et cela a entraîné l’apparition des communautarismes.

Or, c’est dans ces communautarismes que s’est fait le lit de la religiosité islamiste qui a eu, avec la logique capitaliste, le même rapport que celle-ci a eu précédemment avec la morale protestante. En effet, Weber a bien démontré que le protestantisme diffuse des valeurs favorisant l’avènement du capitalisme. Il en a été de même, mais en sens inverse, avec l’intégrisme islamique, le capitalisme favorisant l’islamisme.

Le terrorisme islamiste dont nous souffrons aujourd’hui n’est qu’une manifestation extrême de ce monde désenchanté dont l’Occident est la cause. Il en est l’aspect le plus évident, car il en est aussi des aspects occultes qui sont la cause et l’effet du mal de ce siècle baignant dans l’horreur.

Notons, pour garder espoir, que le chaos est toujours annonciateur de la naissance d’un nouveau monde ; l’agonie de l’ancien le préfigure donc. Faut-il y croire !

Terrorisme affiché

Du terrorisme, affiché hier à Nice, on a l’identité : celle d’un musulman, encore une fois ; et cette fois-ci il est un de nos compatriotes tunisiens. Il est vrai qu’ils sont déjà les plus nombreux à Daech.

N’est-il donc pas venu le temps de se demander comment ils se sont faits aussi nombreux ? Et surtout, ce qui les a motivés et les motive encore pour un tel holocauste ?

C’est bien évidemment, dira-t-on, le jihad et la perspective du paradis et ses houris. Cela resterait court si le discours des dogmatiques et des salafistes ayant pignon sur rue n’enjolive une telle visée de force arguments, faux les uns et les autres, mais qui ne servent pas moins aux bandits et voyous pour s’anoblir et sanctifier leurs crimes.

Car, d’abord, il n’y a plus de jihad et il n’y a pas de guerre sainte ni de martyre en islam au sens dont on parle. Pourquoi donc les autorités religieuses de l’islam dit modéré ne le disent-elles pas ? Qu’attendent-elles ? N’est-ce pas le seul antidote contre le lavage de cerveau de ces jeunes voyous transformés en jihadistes?

Comme elles ne le font pas, elles se rendent complices de l’horreur en encourageant la radicalisation qui est la cause directe de pareil silence de nos autorités officielles. Surtout que, non seulement on ne fait rien, en Tunisie comme en Algérie, mais on vient de relever de leur ministère, dans la première, les imams qui osent dénoncer ce dont on ne veut parler.

Terrorisme occulte

Cela participe du pire qui est représenté par le terrorisme des États, voyous ou non, qui apportent les justifications théoriques et les moyens financiers logistiques aux jeunes déboussolés, les arrimant à une idéologie prétexte qui fonde ainsi leur crime en lui donnant l’aura du sacré.

Aussi, ces bandits qui peuvent déjà soutenir n’agir qu’à l’instar des États voyous et qu’ils ne sont pas plus criminels qu’eux, excipent en plus de la caution de leurs machiavéliques directeurs de conscience, ceux qui justifient le jihad et le martyr nullement islamiques, leur donnant prétexte et mérite de supposée défense de la foi en danger.

Par ailleurs, nombre des États voyous sont les meilleurs alliés de l’Occident aujourd’hui endeuillé et leurs menées terroristes de par le monde ne sont ignorées de personne. Realpolitik? Loi d’airain des intérêts économiques? C’est tout simplement du terrorisme mental.

De fait, il n’y a pas qu’un terrorisme, celui qui tue, comme à Nice ; il y a aussi celui qui prépare le tueur, l’endoctrine et téléguide pratiquement son acte. Il est le plus dangereux, demeurant intouchable et perdurant. C’est ce qui fait la folie de ce monde désenchanté.

Cerise sur la gâteau pour les fauteurs en eaux troubles : cela permet d’instrumentaliser les actes criminels afin de jeter l’anathème sur une communauté innocente de ce que des mercenaires font de sa religion dont on vicie le message d’origine.

Aussi, c’est d’abord à ce niveau qu’il faut agir pour éradiquer le mal terroriste.  Et cela concerne autant l’Occident que les pays arabes, aujourd’hui tout autant qu’hier mise à l’index.

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