Il a 27 ans. Il n’a pas grandi à Hydra, El-Mouradia ou Alger-centre. Il est né à Oued Souf. Une ville saharienne qui lutte quotidiennement contre les dunes du désert pour pouvoir survivre. Il n’a pas connu le confort des quartiers chics d’Oran ou d’Alger. Il n’a pas été éduqué dans les zones résidentielles surveillées par les agents des sociétés de gardiennage. C’est un enfant du Sud. Un algérien qui a défié les vents de sable et l’isolement géographique pour bâtir une entreprise prospère.
Ce jeune s’appelle Mohammed Riadh Djedidi. A 27 ans, il est celui qui a introduit un procédé révolutionnaire dans le secteur de l’imprimerie en Algérie. Effectivement, cet enfant d’Oued Souf, une ville située à plus de 650 Km au sud-est de la capitale Alger, est le premier a lancé la microencapsulation en Algérie. Il s’agit d’un procédé technologique hyper-moderne qui consiste à enfermer un produit, solide, liquide ou pâteux, dans des microparticules. Dans l’industrie du textile, ce procédé permet d’emprisonner un parfum persistant ou un actif cosmétique pour une action prolongée sur la peau. Cette technique permet aussi d’intégrer des parfums dans l’impression qui ne sont libérés que lorsque les capsules sont brisées par décollement du papier. En clair, il s’agit d’imprimer sur des supports papiers des micro-capsules de parfums, arômes, odeurs, qui libèrent leur contenu par frottement et/ou décollage. Dans les pays développés, cette technique est à la pointe de la publicité olfactive et du marketing sensoriel.
Investir au sud, un véritable défi
Et en Algérie, cette technologie a fait son entrée grâce à Riadh qui gère une des plus modernes imprimeries en Algérie. « Une imprimerie située au sud du pays. Là où les routes sont presque impraticables et les infrastructures de transport accusent de graves déficiences. Mais en dépit de tout cela, « nous comptons plus d’une centaine de clients et nous réalisons un chiffre d’affaires qui avoisine les 3 millions d’euros », confie ce jeune entrepreneur qui nous accueille dans son imprimerie équipée des machines sophistiquées fabriquées essentiellement en Allemagne et en Suisse. « Nous sommes pratiquement les seuls en Algérie à disposer de machines d’impression capables de produire jusqu’à 14 mille feuilles par heure. Nous faisons 80 mille tirages par jour. Nos employés ont été formés par des ingénieurs étrangers pour pouvoir faire fonctionner une machine qui coûte pas moins d’un million d’euros. Nous avons fait confiance aux jeunes du sud parce que nous croyons en leur potentiel », assure encore Riadh, ingénieur en électronique diplômé en 2010 de l’université de Boumerdès.
Après une formation intensive et spécialisée effectuée chez un imprimeur français basé à Lyon, Riadh revient au pays pour reprendre l’affaire familiale. Et avec son bagage intellectuel, sa détermination et sa volonté de prouver qu’on peut investir au Sud, il a transformé l’imprimerie El-Walid en un géant de l’impression en Algérie. En introduisant en Algérie, les techniques les plus développées pour l’estampage et le vernissage, Riadh offre à ses clients, dont la plupart sont des entreprises algériennes, des emballages, publipostages, étiquettes adhésives, échantillonnages, bref toute une panoplie de services qu’on ne retrouve nul part ailleurs dans le sud algérien. « Et même dans le nord où tout est à côté de chez soi, nous arrivons à damer le pion à nos concurrents », s’enorgueillit le jeune Riadh dont les clients se déplacent chez lui en parcourant des centaines de Kilomètres et une route dans un état catastrophique pour faire des commandes.
« Investir dans le sud n’a rien de facile. C’est un immense défi. Mais si nous ne le faisons pas, nous les enfants de cette région, personne ne va le faire. L’Etat doit nous faciliter les choses et améliorer les infrastructures publiques. Nous pourrons faire des miracles. Notre imprimerie a été inaugurée en 2004 par le Président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Les hauts responsables sont conscients de notre potentiel. Il faut juste tordre le cou aux préjugés : l’Algérien du sud dispose d’un génie qui ne demande qu’à s’exprimer », explique Riadh Mohammed Djedidi qui continue de voir grand pour son avenir et celui de son entreprise. « Nous allons réaliser une extension, continuer à former et recruter des jeunes pour leur donner la chance de s’accomplir. Nous allons poursuivre nos efforts pour relever le défi de développer notre région afin de prouver que le sud du pays n’est guère peuplé de fainéants ou des bras cassés », conclut notre interlocuteur en nous montrant ses calendriers, les seuls en Algérie, parfumés qui dégagent des odeurs de fraise, d’ananas, orange et d’autres senteurs agréables et appétissantes. Riadh ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Ils nous rendez-vous dans un avenir proche pour nous dévoiler de nouveaux autres procédés technologiques qu’il espère introduire et démocratiser prochainement en Algérie…à partir de sa Sahara.