Oui à la jeunesse, non au jeunisme Par Abdou Semmar

Redaction

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Un ministre d’Etat âgé de 86 ans. La nouvelle nomination de  Boualem Bessaiah au sein du nouveau gouvernement dirigé par Sellal a suscité une onde de choc d’indignation dans le pays. Encore un vieux ministre dans un pays jeune et constitué de jeunes. L’émotion est légitime. La nomination de Boualem Bessaïah, comme représentant personnel du président de la République, sert d’ailleurs de prétexte pour moquer un régime souffrant de « gérontophilie » pathologique. 

Le superflu triomphe de l’essentiel dans cette nouvelle polémique qui nous fait oublier le véritable enjeu de la bonne gouvernance , à savoir les critères pour être un bon ministre. En Algérie, nous assistons à un glissement de sens qui génère la médiocrité. Ainsi, à en croire les voix de nos opposants et celles de la vox populi, il n’y a que l’âge qui dérange dans la nouvelle nomination de Boualem Bessaiah. Une personne âgée ne doit pas figurer dans l’équipe gouvernementale. Il suffit qu’elle porte le poids des ans pour la contester et la discréditer. Les partisans de ce principe érigent la jeunesse en valeur de référence quasi-absolue : il faut être jeune, penser jeune, parler jeune, agir jeune, faire jeune. Comme si l’âge suffisait pour évaluer la compétence, la sincérité de l’engagement et l’honnêteté d’un responsable. Des courants cherchent à nous faire croire que la jeunesse est la solution à tous nos problèmes politiques.

Le mythe du jeune leader sauveur se heurte, pourtant, à des non-sens qui reflètent l’état général d’anesthésie intellectuelle dont souffre notre société. Ne pas être âgé, avoir un jeune âge, et être jeune ne signifie nullement que l’on dispose de capacités intellectuelles et managériales nécessaires pour diriger un pays. En Afrique du Sud, un certain Nelson Mandela, une personne âgée, a su comment transformer un pays raciste en une nation multiraciale qui amorce le développement grâce à une gouvernance intelligente. Rien ne prouve qu’un jeune à la place du légendaire Madiba aurait pu obtenir le même bilan. A Cuba, Fidel Castro a doté son pays d’un système de santé des plus modernes au monde et son peuple a survécu au blocus imposé, pendant des décennies, par les Etats-Unis.

Durant la seconde guerre mondiale, c’est le vieux Winston Churchill qui a conduit la Grande Bretagne à vaincre le nazisme. En vérité, qu’est-il préférable? Un jeune sorti tout droit des organisations satellitaires du FLN, du RND, du MSP ou du TAJ avec tout ce que cela implique comme formation idéologique archaïque, ou un cadre algérien âgé diplômé des grandes écoles internationales et armé d’une véritable vision pour le futur ?

Ce sont des qualités intrinsèques d’un bon haut responsable, un bon ministre, un excellent président qu’il faut débattre en Algérie. Boualem Bessaiah peut être contestable. Comme tous les autres dirigeants. Mais réduire sa légitimité à l’âge relève du crétinisme pur. L’Algérie a incontestablement besoin de l’engagement, de l’implication de sa jeunesse dans les processus décisionnels. Elle a besoin de leur fraîcheur, de leur dynamisme et leur ouverture d’esprit sur le monde moderne. Mais cela n’exclut pas que des personnes âgées puissent se trouver aux commandes de l’Etat, notamment pour certaines missions stratégiques qui exigent de l’expérience et du réseau. Nos jeunes doivent s’imposer, prendre le pouvoir et décider pour le destin de leur pays. Mais, s’ils arrivent au sommet de l’Etat par la grâce d’une discrimination positive et d’une politique de quota dans le but de les avantager, ils ne seront que des faire-valoir sur un échiquier où ils seront utilisés comme des pions pour protéger le roi et la reine du système. Battons pour notre jeunesse et évitons de tomber dans le piège du jeunisme bête et méchant. Notre Algérie n’a pas besoin d’une énième escroquerie intellectuelle.