Quand la présidentielle américaine défait la morale

Redaction

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« Pour vivre heureux, acceptons nos limites, notre ignorance, préservons la beauté du monde, reconnaissons sa suprématie, sa permanence. » Albert Camus. Noces

 Au milieu des « ils sont tous pareil », « on n’y gagne rien », «  cela ne nous concerne pas ». Une voix qui se fait de plus en plus grande, au début étouffée puis claire mais fragile. Stoppée çà et là par quelques quintes de toux, se fait entendre. Elle me turlupine. M’annonce que le monde, va mal. Prométhée reviens !

Longtemps, on nous a menti, peut-être, en nous disant que pour réussir il faut rester honnête et loyal. On nous a dit aussi que le travail est la clé du succès. Ce qui s’est passé aux Etats Unis, a prouvé le contraire. C’est l’argent, nerfs de la guerre, nouvelle religion qui définit le succès.

On nous a menti aussi sur le fait que les minorités, jouissent de tous leurs droits, de l’autre côté de l’eldorado. Que la différence de religions, de races, de genre n’est plus une entrave à la réussite. On nous parlé de liberté, on y a cru. O combien naïfs nous sommes !

L’histoire choisit l’abîme

A voir un misogyne, islamophobe, raciste, protectionniste qui soutient Israël, promettant de faire de Jérusalem la capitale d’Israël , devenir 45ème président des Etats-Unis et attirer la sympathie de quelques arabes et musulmans du monde via les réseaux sociaux. Il est inéluctable de se dire que rien ne va plus.

Que nous n’avons rien compris à l’histoire. Que nos combats étaient faux. Que la révolution cubaine était fausse. Que la cause anti apartheid était fausse, que le féminisme est faux. Que les pacifistes sont des parvenus. Que Martin Lutherking est un simple d’esprit. Que Malcom x était con et que Nelson Mandela était un demeuré.

Un monde où l’extrême droite rafle les voix, s’attire les éloges, où la gauche agonise. Une gauche morte et enterrée partout dans le monde. Une gauche qui se laisse faire, tranquillement en dormant sur ses lauriers.

Inculte, simpliste, prétentieux et arnaqueur, cela n’a pas empêché de s’asseoir sur le trône, en toute légitimité. L’ère des révolutions qui renversaient les tyrans du pouvoir est révolue. De toute façon, les révolutions inversent les despotes au lieu de les renverser. L’ère des causes est finie. L’engagement social et moral est rompu car les promesses des leaders n’ont pas été tenues depuis belle lurette. Et on finit par s’en lasser.

L’heure des grandes mutations a sonné

Un nouveau contrat social, se faisait attendre depuis le début du printemps arabe et depuis que les peuples s’étonnent de leurs propres choix et regrettent leurs silences d’antan est prêt.

Aujourd’hui, ce nouveau contrat social, fait son entrée en force. Il ne ressemble pas à celui de Rousseau, se soucie peu des droits de l’Homme, mais il respecte la forme d’un contrat.

Un contrat qui décrit parfaitement la décomposition morale et intellectuelle dans laquelle nous vivons. Qui conforte l’hystérie versatile et la volatilité de la mémoire. Dommage que les gens oublient vite.

Les « valeurs » de l’ancien contrat avaient pourtant déclenché des guerres en redessinant la nouvelle carte du monde. Un nouveau monde se découvre aujourd’hui, avec pour parangon, Trump et sa troupe.

Toutefois, ce « nouveau monde » a ses particularités : en dehors du fait d’être dominé par une bande de truands en costards sur mesure. Il tient dans ses manuels de procédures : la manipulation, les apparences et l’amateurisme comme principaux axes.

« Cachez-moi ces valeurs que je ne saurai voir »

Tassée au fond de ma chaise, je me demande comment  appartenir à ce monde, où les femmes de cocus consentants deviennent des saintes. Où les vulgarités l’emportent sur la bienséance, où une mascarade dérivée d’une propagande a eu raison du monde.

Finalement c’est la Boétie qui avait raison. Visionnaire, il annonce en 1549 que les hommes, par vice, seront toujours dominés par l’envie d’obéir à un seul homme : « c’est un malheur extrême que d’être assujetti à un maître dont on ne peut jamais être assuré de la bonté, et qui a toujours le pouvoir d’être méchant quand il le voudra. Quant à obéir à plusieurs maîtres, c’est être autant de fois extrêmement malheureuse. » Etienne de le Boétie. Discours de la Servitude Volontaire.

Aujourd’hui, la donne a changé. On préfère directement s’asservir à un homme que nous savons mauvais.  Peut-être par crainte d’être déçus par ceux qui ont longtemps prétendu être bons. C’est laid, de voir des millions d’hommes tourner le dos à des valeurs que l’Homme a longtemps défendues. La nature désavoue cette bassesse et le pire reste à venir.

L’évolution de l’homme a-t-elle fait en sorte qu’il se transforme ? Le déséquilibre est-il nécessaire à l’équilibre ? Le chaos doit-il vraiment régner avant le calme ? Nous n’en savons rien. Il n’y qu’une seule certitude au milieu du flou qui nous entoure : la machine du changement est en cours, sur tous les plans : sociaux, économiques, politiques et militaires. Et c’est le monde qui en est protagoniste.

Il est peut-être temps aussi de revoir nos valeurs, nos perceptions des religions, nos manuels scolaires, notre éthique.  Et de chercher la faille qui a fait renverser l’ordre établi…

Ces propos sont valables aussi pour la candidate vaincue. Le fait est que, comme l’a annoncé Kennedy dans son dernier discours, à dix jours avant sa mort. Aux Etats Unis, ce sont les organisations parallèles qui font et défont le système à leur guise. Le reste n’est qu’exécutant. Nous y compris.

C’est pourquoi il est nécessaire, plus que jamais de savoir à quoi sommes-nous assujettis ? Et pourquoi avons-nous tant peur de nos décideurs. Pourquoi avons-nous peur des lois, pourtant établies par l’Homme ? Pourquoi avons-nous peur de « ceux qui décident de tout », de la mafia, des gangsters et de toute personne en costard qui a plus de 5 contacts serviables dans son carnet d’adresses ? Ils ne sont qu’humains finalement. Alors pourquoi l’humain a-t-il peur de l’humain ?

C’est l’ignorance qui rend les hommes faibles. C’est l’ignorance qui les rend vulnérables. Et le populisme qui contamine la pensée, si elle existe. Ceux qui parlent et osent contredire, sont visés. Ceux qui émettent un avis différent, défendent la démocratie, des styles de vie, sont évincés. Qu’ils cessent donc d’inventer chaque jour, une vérité personnelle.

Quand l’humanité s’unira-t-elle vraiment pour dresser un nouveau code du bien et du mal ? Pour faire tomber le roi corrompu et vide de l’intérieur, du haut de l’échiquier en verre ?

Ce sont surement les femmes, porteuses, donneuses de vie et éducatrices qui ont ce pouvoir. Mais faut-il encore les laisser vivre, mieux voir, mieux comprendre et s’unir sur les bonnes bases. Ce sont les femmes qui ont la capacité d’unir les Hommes, de faire passer l’humanité avant tout le reste et d’inculquer les bonnes valeurs aux générations à venir. Le changement moral et social est donc, entre les mains des femmes.

Le monde a besoin, plus que jamais, d’un supplément d’âme.

 

Par Mounira El Bouti 

 

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