Dans un entretien accordé à la version africaine de l’hebdomadaire français Le Point, Noureddine Boukrouh a affirmé sans ambages que «Bouteflika s’agrippe au pouvoir comme Harpagon à sa cassette». Pour faire face à un éventuel 5e mandat ou à une succession dynastique, il appelle de ses vœux un candidat unique de l’opposition.
Comme il l’a déjà expliqué lors de précédentes interventions, Noureddine Boukrouh a réitéré sa position selon laquelle le régime algérien n’a jamais connu de véritable rupture. Puisant encore et toujours ses arguments dans le fait historique, M. Boukrouh, a expliqué que l’ouverture démocratique, qui a fait suite aux événements du 5 octobre 1988, n’avait pas pour but de répondre aux aspirations du peuple, mais une option nécessaire pour un régime qui cherchait à contracter des prêts auprès du FMI pour continuer à exister. L’ex-ministre n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler tous les événements tragiques survenus entre 1988 jusqu’à l’arrivée de l’actuel président au pouvoir, et l’explosion des cours de pétrole depuis 2001, qui a permis au régime de renouer avec les pratiques autoritaires hérités du temps du parti unique.
Bouteflika a pu se maintenir depuis 1999 grâce à une multitude d’arrangement au sein du régime. «Alors que la Constitution ne lui permettait que deux mandats, il l’a amendée pour s’en offrir quatre, totalisant vingt ans, et se prépare à un cinquième, malgré son état végétatif. C’est pour contrer cette intention ou une succession arrangée au profit de son frère que j’ai lancé une initiative politique, dont l’appel aux citoyens n’est que la première séquence. La deuxième est parue, il y a quelques jours, et consiste en un appel adressé à l’armée pour qu’elle n’utilise pas ses effectifs et son armement contre le peuple au cas où celui-ci venait à s’insurger par suite de la faillite de la politique économique de Bouteflika», a-t-il expliqué.
Interrogé sur l’existence, au sein même du pouvoir d’alternatives autres que celle d’un cinquième mandat ou une succession dynastique, M Boukrouh, a été catégorique en disant que non. «Bouteflika a eu le temps et l’argent nécessaires pour transformer le pouvoir en citadelle imprenable et les finances publiques en cassette d’Harpagon dont il a disposé à sa discrétion pour renforcer son emprise sur tout ce qui compte dans les rouages de l’État ou représente une capacité de nuisance dans la société». Pour lui, ce sont les bénéficiaires du régime actuel qui veilleront à ce que l’un des deux Bouteflika demeure à la tête du pays pour continuer à bénéficier des mêmes privilégies au détriment des intérêts du pays.
Partant de ce constat, il soutient que l’alternative ne peut venir que d’une réaction citoyenne pacifique et légaliste à l’occasion de la prochaine élection présidentielle en 2019. À son sens, les prochaines présidentielles seront déterminantes et pour contrecarrer les veillées d’un cinquième mandat ou l’intronisation du frère cadet du président, ou même un poulain du régime, M. Boukrouh, a appelé l’opposition à soutenir un candidat commun. À ses yeux, c’est la seule solution possible pour démanteler le régime actuel dans la perspective d’instaurer une véritable démocratie.
A la question de savoir si le peuple acceptera de voir son président fortement diminué, briguer un nouveau mandat, il affirmé que le peuple ne supporte plus le spectacle de désolation qu’offre cet homme qui s’agrippe au pouvoir comme Harpagon à sa cassette (en référence au personnage de la pièce de théâtre L’Avare de Molière). Cependant, il faut aussi prendre en compte les puissants alliés de son clan qui pèsent lourd lors de rendez-vous électoraux, sans oublier, explique-t-il, les craintes des Algériens qui redoutent les effets imprévisibles d’une insurrection. «Tout l’art politique consiste pour nous à trouver un chemin entre ces deux périls», a-t-il- conclu.
M.M.