L’Algérie célèbre, ce mercredi, la journée internationale de la liberté de la presse. L’anniversaire a un goût amer pour l’Algérie qui se voit rétrogradée dans le classement annuel de Reporters sans frontières. Notre pays est classée à la 134 position, très loin derrière des pays comme la Namibie, le Ghana ou encore le Burkina Faso.
Les pressions exercées ces dernières heures sur le journal Echourouk, dont les dettes auprès des imprimeries publiques sont par ailleurs réelles, viennent confirmer cette tendance des autorités à mâter tout média qui sort de la ligne tracée par le pouvoir. Après les pressions économiques qui ont poussé la majorité des médias à s’adonner à l’auto-censure et à abandonner les reportages et enquêtes, les autorités recyclent les vieilles recettes. La répression par le biais des imprimeries publiques est l’une de ses armes favorites pour bâillonner un journal. Bien sûr, les autorités brandissent des factures impayées et une décision de justice émise le mois de mai de l’an dernier, pour justifier leur sale besogne, mais les responsables d’Echourouk sont en droit de rappeler que d’autres journaux traînent, eux aussi, des dettes. En réalité, seuls les médias qui tentent de sortir de la ligne officielle subissent «les lois du marché» qui sont en réalité les lois du plus fort.
Outre cette guerre déclarée aux médias frondeurs, le pouvoir veut freiner, du moins remettre à une échéance non encore déclarée, l’émergence d’une véritable presse électronique. De nombreux sites d’informations exercent depuis quelques années déjà, mais le cadre réglementaire qui régit cette profession joue toujours à l’arlésienne. Une situation sciemment entretenue pour permettre aux autorités de «sanctionner» tout site qui viendrait à diffuser des informations contraires aux intérêts du système.
En plus de l’absence d’une loi régissant les journaux électroniques, le secteur souffre de l’anarchie et du favoritisme qui règnent dans le domaine de la publicité. La loi qui doit encadrer ce secteur traîne à voir le jour. La manne publicitaire, notamment celle émanant des institutions publiques, est distribuée selon des règles d’allégeance au pouvoir. Plus grave, les sites électroniques en sont tout bonnement exclus. Ces derniers ne subsistent, pour la plupart, que de modiques ressources octroyées par des annonceurs privés. Leur existence est donc singulièrement précaire !
Ce sombre tableau s’ajoute à une situation sociale peu reluisante : nombre d’hommes et de femmes de l’information se retrouvent sans emploi à cause de la fermeture de nombreux médias. Il s’agit notamment de journaux obligés de mettre la clef sous le paillasson faute de publicité et d’un marché régulé. Cet état de fait calamiteux risque de se poursuivre. Une décantation est plus que nécessaire. Les autorités doivent laisser triompher les seules règles du marché et cesser leurs interventions intempestives.
Essaïd Wakli