Ces jours-ci, un concours de beauté est ouvert aux jeunes filles âgées de 7 à 15 ans à la condition qu’elles se présentent, revêtues de leur jilbab. Non, Non ! Il ne s’agit pas d’un casting pour un spot publicitaire sponsorisé par une marque saoudienne de jilbab, ou de niqab, mais d’une initiative prise par des responsables locaux à Constantine et non des moindres. Qu’on en juge :
- L’Organisation Nationale de la Société Civile pour la Promotion de la Femme,
- L’Organisation Fédérale des Associations de la Société Civile,
- L’APC de Constantine,
- L’APC de Hamma Bouziane,
- La Radio FM locale
- La Direction des Affaires Religieuses et du Waqf de Constantine,
- La Direction de La Culture de la Wilaya,
- Le club des Jeunes de Constantine…
Bref, tout ce beau monde s’est mobilisé pour une opération d’envergure. On a envie de savoir qu’est ce qui les fait courir pour mobiliser tant d’énergies et tant de moyens dans l’organisation d’un concours de beauté dont l’énoncé donne déjà une idée du ridicule incommensurable. L’initiative est grotesque, troublante et inquiétante.
Grotesque :
Leur affiche publicitaire nous apprend que le but de cette trouvaille géniale c’est d’illustrer la parfaite harmonie entre la beauté et le jilbab.
Autrement dit une jeune fille qui a une belle tête, mais qui est chauve, qui a les oreilles décollées, un corps en citrouille mais de jolies mains fines peut décrocher la palme. Faut-il rappeler qu’il s’agit du crédo commun à toutes ces organisations à savoir qu’une femme ( mais pas une gamine ) ne doit montrer que le pourtour de son visage et ses mains. Il s’agit donc d’un concours du plus beau visage et des plus belles mains. Sans compter que pour départager deux candidates ressemblantes, seul le jilbab peut faire la différence et dans ce cas la palme revient au marchand de tissus. C’est ridicule !
Troublante :
Réunir dans ce « concours » des filles âgées de 7 à 15 ans, c’est faire preuve soit d’inconscience soit de sadisme ou des deux à la fois. Des gamines vont côtoyer des filles pubères dans une exhibition troublante au cours de laquelle chaque candidate doit mettre en valeurs ses atouts et ses atours pour séduire les membres du jury. Nous sommes donc dans un exercice de séduction organisé par ceux-là mêmes qui nous bassinent à longueur d’année que le sourire d’une femme devant un étranger est péché puisqu’il est considéré comme une « awra ». D’une certaine manière on demande à la jeune fille de plaire et de convaincre à partir de critères exclusivement physiques ; autrement dit de séduire et d’aguicher. Or les savants de l’islam nous disent que dans sa recherche de l’embellissement lorsque, la femme ou la jeune fille musulmane sort de chez elle, elle doit prendre garde à ne pas attirer le regard des hommes ni à essayer de rivaliser avec les autres femmes, ni à se mettre en valeur en ayant recours à des artifices tels que le maquillage, les bijoux et les vêtements. Nous sommes en plein guignol. Les « Gardiens du Temple » demandent à des gamines de faire exactement ce qu’ils leur interdisent de faire à longueur de prêches et de « dourouss ». C’est c’est tout simplement scandaleux d’abuser de la naïveté et de la crédulité des parents en faisant de l’endoctrinement et la promotion du jilbab à travers l’artifice ridicule et troublant du concours de beauté.
Inquiétante :
Parce qu’on prend en otage toute une population qu’on mobilise sur des sujets loufoques au lieu de poser le problème du développement et la recherche des moyens pour accéder au progrès.
Parce qu’on focalise l’attention des parents sur des questions d’apparence et non sur les problèmes de fond qui conditionnent l’avenir de nos enfants.
Parce que, à terme l’enjeu pour ces apprentis-sorciers c’est d’enfermer les jeunes filles, de mettre un coup d’arrêt à leurs études et de les soustraire définitivement de la course vers le savoir et le progrès.
Parce que la séparation entre les enfants sur des critères de sexe ne fera qu’aggraver le traumatisme sexuel caractéristique de notre société, condamnée à estampiller tabou tout ce qui a trait au développement harmonieux de l’esprit et du corps de nos enfants.
En définitive, on doit se consoler en pensant qu’à quelque chose malheur est bon et que ce qui se passe à Constantine aura au moins servi à nous mettre en garde contre ce qui se trame derrière un argument religieux spécieux, conforme à leur lecture particulière d’un islam des ténèbres. Nous sommes pour l’islam des lumières. Et au titre de la religion du juste milieu, nous considérons qu’il ne suffit pas d’alerter ni de dénoncer. Il faut chercher l’antidote à ce poison qu’on distille tranquillement et depuis des lustres. C’est aux jeunes à défendre leur pré carré et à prendre leur destin en main comme l’ont fait leurs aînés. Ils pourront compter sur notre vigilance, sur notre détermination et sur notre aide. Mais c’est loin d’être suffisant.
Aziz Benyahia