En Algérie, Internet constitue aujourd’hui l’espace idoine pour faire entendre la voix des Algériens. Une voix pertinente qui révèle d’autres visages de notre pays. Une voix qui relaye des informations occultées par la presse classique et les télévisions privées inféodées au régime et à ses diverses chapelles politiques.
D la lutte contre le gaz de schiste, menée aux fins fonds de notre Sahara, à In Salah, au scandale des manifestants torturés par les services de sécurité à Ghardaïa, des crimes racistes commis dans la même vallée du M’zab aux dessous des de corruption qui ébranlent notre pays, la presse électronique, les réseaux sociaux et Internet ont permis la cristallisation d’une véritable liberté de parole, d’un contre-pouvoir d’un genre nouveau. Ces canaux indépendants permettent aux Algériens de s’exprimer, de dénoncer et de se forger une citoyenneté longtemps niée par un système politique répressif.
Cet acquis, certes encore timide et insuffisant pour « révolutionner » l’Algérie, est, désormais, menacé par les velléités les autorités politiques de verrouiller à la « chinoise » Internet et les réseaux sociaux. L’incident est passé presque inaperçu, mais il constitue, malheureusement, un dérapage sans précédent qui renseigne sur ce que le pouvoir prépare pour l’avenir : la web-radio « des sans voix », lancée par le Collectif des familles de disparus des années 90, a été récemment réduite au mutisme. Il s’agit d’une première en Algérie, car le régime est passé sans détours au viol de la liberté d’expression et de la liberté d’information.
Dans une déclaration à notre confrère Tout sur l’Algérie, Madjid Bekkouche, responsable de la communication au ministère éponyme a confirmé officiellement, sans que cela n’émeuve personne, le blocage arbitraire de cette jeune web-radio prétextant que « tout ce qui est clandestin et tout ce qui n’est pas autorisé n’a pas droit de cité en Algérie ». Cette déclaration insensée constitue un dérapage inquiétant puisque la législation algérienne ne prévoit aucune forme d’autorisation pour l’information sur Internet.
En plus de cette censurée clairement assumée, on se rappelle très bien du blocage des réseaux sociaux mis en oeuvre durant les cinq jours d’épreuves de la session spéciale du Bac 2016. La brutalité avec laquelle tout Internet a été verrouillé pendant de longs jours n’était qu’une démonstration de peur et d’arrogance d’un régime rétif à la liberté. Les épreuves du Bac n’ont été qu’un prétexte fallacieux. Contrôler, surveiller et réprimer, ce triptyque résume parfaitement l’actuel état d’esprit de dirigeants qui pensent, à tort, pouvoir contrôler le web. De nombreux médias électroniques sont attaqués et piratés. Comme par hasard, les adresses IP de ces hackers nous renvoient souvent vers des institutions sécuritaires censées veiller sur le respect des libertés individuelles.
Des investigations sommaires nous permettent de nous apercevoir que de nombreux trolls, faux profils et communautés virtuelles sont lancées, promus et entretenus par les cercles proches du pouvoir politique afin de nuire et déstabiliser les opposants et journalistes libres. On peut parfois se sentir démuni face à la puissance des lobbys qui influencent nos dirigeants, mais si notre mobilisation prend de l’ampleur et gagne l’adhésion de nos concitoyens, il sera possible de mettre un terme à ce plan machiavélique destiné à museler Internet. Aujourd’hui, il est urgent d’enclencher une lutte sérieuse pour rappeler à nos décideurs que ce sont les citoyens, pas les salons obscurs ou les lobbys, qui sont la vraie source du pouvoir.