Douze ans après sa promulgation, la charte pour la paix et la réconciliation nationale est toujours en vigueur. Malgré l’épuisement du délai de sa validité, les terroristes continuent de profiter du bouclier offert par le pouvoir leur assurant une parfaite impunité. La charte promulguée par voie référendaire garantit également une protection effectives aux auteurs des dépassements commis par les services de sécurité. Retour sur les effets d’une loi controversée.
Le 12e anniversaire de l’adoption de cette charte a aussi été l’occasion de faire appel à la mémoire collective afin de ressusciter les malheurs qui l’ont marquée durant la décennie sanglante.
En plus d’être un instrument de légitimation pour un pouvoir désavoué, cette charte promulguée le 27 février 2006 a tout simplement amnistié les auteurs de la tragédie nationale. Les terroristes désireux de bénéficier des dispositions de cette charte étaient soumis à des conditions ô combien insignifiantes par rapport aux actes d’horreur perpétrés. Un délai de six mois leur a été donné sous réserve qu’ils n’aient jamais commis de crimes. Là encore, plusieurs interrogations subsistent, notamment concernant la manière dont ont été menées les enquêtes, l’identification des auteurs des crimes ainsi que l’établissement des responsabilités et surtout, les garanties reçues pour éviter un retour à la violence.
Les privilèges indécents accordés aux repentis
Peu de réponses ont été données, mais on sait cependant qu’ils sont plus de 15 000 terroristes à avoir « réintégré » la société. Ils ont tous bénéficié de privilèges indécents. Des maisons, des commerces et un statut social leur permettant d’être protégés par le pouvoir et d’être craints par la population. La rente pétrolière n’a pas seulement servi à acheter la paix sociale. Elle a également servi a monnayer la neutralité des repentis, mais pour combien de temps ?
Nombre des attentats perpétrés depuis l’entrée en vigueur de cette charte de réconciliation l’ont été par des repentis. Pour toucher quelques exemples, on peut citer celui qui a causé la mort à 33 personnes à Bab Ezzouar en 2007, celui ayant ciblé le Conseil constitutionnel la même année, où encore celui déjoué en avril 2017 à Constantine et celui ayant causé la mort d’un policier récemment à Tiaret. Il est vrai que la fréquence et la sauvagerie de ces actes terroristes ne ressemblent en rien à ceux des années 1990, mais il n’en demeure pas moins que les auteurs de cette tragédie, notamment ceux qui ont bénéficié de la charte de 2006 sont libres de leurs mouvements et risquent de reprendre du service à tout moment.
Le document de la charte se distingue également par une lacune de taille à priori volontaire. Dans ses dispositions, elle ne comporte en effet aucun article traitant des dépassements qui auraient pu être commis par les services de sécurité. En réalité, l’amnistie mise en application par le régime est une amnistie qui ne concerne pas seulement les terroristes.
La question lancinante des disparus
En plus des 200 000 morts, quelques 8000 personnes sont à compter dans le camp des disparus, dont les familles réclament à ce jour la vérité. Mais contrairement aux terroristes amnistiés, elles font face à une répression féroce du pouvoir.
Ce qui est sur, c’est que le régime algérien a su exploiter le traumatisme du peuple algérien épuisé par une décennie de violence. La Charte pour la paix et la Réconciliation nationale reste très controversée. Confectionnée en vase-clos par les protagonistes de cette guerre civile à laquelle on a donné un nom poétique, le document qui sert de faire-valoir au régime ne garantit nullement une paix durable comme on le prétend.
Massi M.