Chronique/ Tebboune, un homme du passé pour préparer l’avenir ?

Redaction

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La désignation-surprise d’Abdelmadjid Tebboune au poste de Premier ministre est un signal peu encourageant pour la conduite des réformes économiques dans notre pays. Le problème n’est pas tant dans son âge, 71 ans, ni même sa carrière, qui a commencé dès la fin des années 60 et qui s’est déroulée tout entière dans l’administration. Non, le problème, c’est surtout le portrait politique et économique que dessine ses prises de positions les plus récentes.

«Personnage sorti tout droit des années 70», ainsi que  le qualifiait une chronique récente d’Algérie Focus, Abdelmadjid Tebboune a notamment multiplié au cours des derniers mois  les déclarations qui esquissent un modèle d’organisation administrative du commerce extérieur national qui nous ramène, carrément, 40 ans en arrière. C’est à dire au  «bon vieux temps» des monopoles, des pénuries tous azimuts et du marché noir généralisé.

Une «offre de service» clairement formulée

L’hypothèse la plus probable aujourd’hui est que sa nomination par le président de la République correspond ni plus ni moins à un choix en faveur d’un renforcement de l’économie administrée jugée seule capable de «réduire les importations au niveau de 35 milliards de dollars et de sauver les réserves de change du pays». Une «offre de service» clairement formulée au cours des derniers mois par M. Tebboune lui-même .

Début février, M. Tebboune avait commencé par dénoncer, dans la plus pure tradition du parti unique, «les parasites et l’importation anarchique qui nous conduiront vers le Fonds monétaire international et la Banque mondiale». «L’Algérie n’est pas un déversoir des produits d’importation», avait-il ajouté. Le programme annoncé dans ce domaine par M.Tebboune est d’une grande clarté : «Tous les produits qui entrent en Algérie seront désormais soumis à une licence où une autorisation», a notamment déclaré le nouveau Premier ministre.

Avec l’arrivée d’Abdelmadjid Tebboune au Palais du Gouvernement, on est peut être à la veille de la mise en œuvre de cette politique. Une premier contingent d’une trentaine de produits soumis à licence a déjà été retenu en avril dernier. Sans doute en attendant mieux.

«Protéger les ressources en devises ?»

Principal argument utilisé par Abdelmadjid Tebboune, il assure que «nous régulons nos importations afin de protéger nos recettes en devises affectées par la diminution des cours du baril de pétrole». L’ennui est que les statistiques de notre commerce extérieur indiquent que les importations de notre pays ont déjà été réduite de près de 15 milliards de dollars en deux ans. A ce rythme, il est très probable que notre déficit commercial, qui était encore de 18 milliards de dollars en 2016, devrait rester  inférieur à 10 milliards de dollars en 2017. Pas besoin donc de contingentement et de licences généralisées. Le rétablissement de l’équilibre de la balance commerciale est possible et même désormais très probable dès 2019, comme prévu d’ailleurs par les projections du dernier gouvernement et de la Banque d’Algérie, et sans recourir à des mesures de contingentement dignes d’une «économie de guerre».

Une «économie de guerre» pour quoi faire ?

Une «économie de guerre» et une situation proche de celle que connait actuellement un pays comme le Venezuela avec des pénuries généralisées et une inflation incontrôlable, c’est ce que semble nous préparer dans la précipitation et sans aucune nécessité objective, les autorités politiques du pays qui paraissent céder à un réflexe de panique inexplicable en engageant la gestion de notre commerce extérieur et de nos réserves financières dans un cercle vicieux et une véritable impasse.

Au passage signalons quand même que la «réorganisation complète» du commerce d’importation prônée par M. Tebboune ne sera sans doute pas une impasse pour tout le monde. Comment éviter qu’une  véritable pluie d’autorisations et de licences à «durée limitée» et pour «tous les produits» se transforme en un puissant instrument de  développement du clientélisme et de la corruption ? M. Tebboune ne le dit pas.

Ah, ces personnages sortis  tout droit des années 70…

Hassan Haddouche

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