Le documentaire « Algérie, la mer retrouvée », une superbe réalisation consacrée aux côtes algériennes, suscite un engouement sans précédent des deux côtés de la Méditerranée, alors que sa diffusion n’est prévue que le 3 avril prochain dans l’émission « Thalassa » sur France 3. Concert d’éloges dans les médias nationaux et étrangers et piratage sur la toile. Les images époustouflantes de ce voyage, tout au long des 1.600 km du littoral algérien, ont effectivement filtré sur le web avant d’être retirées. La faute à certains curieux, impatients de découvrir la beauté de leur pays, estime Samia Balistrou, l’une des héroïnes du documentaire. Elle raconte à Algérie-Focus les coulisses d’un tournage riche en « émotions ». Entretien.
Propos recueillis par Djamila OULD KHETTAB
Algérie-Focus : Comment l’équipe du film vous a contactée ?
Samia Balistrou : Les équipe de Thalassa m’ont contactée une première fois, il y a quatre ans. Ils voulaient que je leur montre la barrière de corail à El Kala et la cité engloutie de Tipaza. Ils avaient été induits en erreur, car pour découvrir les coraux d’El Kala, il faut plonger très profondément, quant à la cité romaine de Tipaza, je n’en ai trouvé que quelques vestiges. Finalement, je n’ai pas participé au numéro et le documentaire s’est concentré sur certains quartiers populaires d’Alger, notamment Bab el Oued. Ils ont plus filmé les déchets, la saleté que les paysages. Ça reste un mauvais souvenir pour les Algériens. D’ailleurs, les autorités en ont touché deux mots à la nouvelle équipe de Thalassa, lorsque celle-ci est venue en janvier 2014 retirer ses accréditations.
Ce qui ne vous a pas dissuadé d’être l’une des héroïnes du documentaire « Algérie, la mer retrouvée »…
Non pas du tout. Thalassa restait un rêve inaccessible pour moi. Un documentaire comme celui qui a été filmé l’été dernier est une chance inouïe pour les Algériens de connaître leur pays. Thalassa est très populaire en Algérie. Durant les années de terrorisme, l’émission était même l’une des rares fenêtres sur le monde pour les gens, ici.
Donc, lorsque Guillaume [ndlr Guillaume Pitron, coréalisateur] et Alexis [ndlr Alexis Marant, coréalisateur] m’ont contactée, j’ai tout laissé tomber pour me consacrer à ce projet. Mais je leur ai bien dit, lors de notre première rencontre en janvier 2014, que je voulais faire les choses un peu à ma façon. Je leur ai alors soumis une sélection de sujets intéressants relatifs aux loisirs marins en Algérie. Ils sont revenus en février pour des repérages et ont retenu certaines de mes propositions. En plus d’apparaître à l’écran comme « ambassadrice » de la mer, j’ai servi d’éclaireur.
Comment s’est déroulé le tournage ?
Inoubliable! L’équipe est venue un premier temps, en juin pendant 45 jours, jusqu’au début du mois sacré du Ramadhan, et elle revenue ensuite 15 jours. C’était de longues journées de tournage : on sortait à 6 h du matin et on rentrait tard dans la nuit. Ils ont fait un travail remarquable : Ils ont sillonné toute la côte algérienne, ont tourné pendant des heures, tellement il y avait de beaux paysages à filmer. Il y a eu, au total, plus de 110 heures de rush. Et, au final, ils n’en ont gardés que 110 minutes ! Ce que j’ai le plus apprécié sur le tournage c’est qu’il n’y a eu aucune mise en scène ou préparation. Guillaume et Alexis étaient là pour capter notre spontanéité, le réel, notre émotion.
Les autorités algériennes sont connues pour être très à cheval sur la réglementation des tournages dans l’espace public. Sur le terrain, n’avez-vous pas rencontré certaines difficultés ?
C’est vrai qu’il est arrivé que le contrôle de nos documents et accréditations ait pu, parfois, ralentir notre travail, mais les autorités ne nous ont pas empêché de filmer. Au contraire, elles ont collaboré avec nous. Par exemple, à Annaba, un bateau de la marine nationale a été mis à disposition de l’équipe pour se rendre à Chetaibi et prendre des plans de la baie. L’équipe a aussi pu prendre des vues aériennes grâce à un hélicoptère militaire. Il faut dire que la production du documentaire [ndlr l’agence Capa] avait pris les devants en contactant directement les ministères concernés, celui de la Pêche, de l’Environnement et de la Communication pour s’assurer un tournage sans encombres.
Quels moments en particulier retenez-vous du tournage ?
Il y en a eu tellement! Avec l’équipe de Thalassa, on est reparti à l’Espadon, le site de plongée où j’ai débuté. Cela faisait plusieurs années que je n’y avais pas mis les pieds. C’était très émouvant. Je me suis mise à pleurer. Mais surtout, on est allé plonger dans des sites jusque-là inexplorés. Les réalisateurs étaient étonnés d’ailleurs de voir autant de sites de plongée encore vierges. Grâce à eux, j’ai eu la chance de plonger sous les grottes de Chetaibi. Personne ne l’avait fait avant, car ça demande beaucoup de moyens, à commencer par un transport sécurisé.
Un mot sur le piratage du documentaire, posté illégalement sur Internet ce week-end. Que s’est-il réellement passé ?
Je ne sais vraiment pas comment le documentaire a pu se retrouver en ligne. Les « acteurs » ont tous reçu une copie en avant-première. De mon côté, je ne l’ai visionné qu’une seule fois avec des amis. Mon époux et mes enfants préfèrent attendre de le voir le 3 avril sur France 3. Je n’en veux pas à ceux qui ont téléchargé la vidéo sur Internet. Les Algériens étaient très impatients de le voir, car très heureux qu’un numéro de Thalassa soit consacré à leur pays. Ce piratage n’est au fond qu’un moment d’excitation positive. Cela n’empêchera pas les Algériens, qui l’ont vu sur Internet, de le visionner une deuxième fois, le 3 avril.
« Algérie, la mer retrouvée » sera aussi diffusé lors d’une projection publique à Alger, le 4 avril, en présence de Guillaume Pitron. Des projections à Annaba, Constantine et Oran sont également prévues.