Encerclée de montagnes, Aïn Fezza offre un paysage parsemé d’affleurements rocheux spectaculaires. Une verdure luxuriante, des forêts majestueuses, mais surtout les célèbres grottes de Beni-Add, à 1 143 m d’altitude, qui font la légende d’Aïn Fezza.
Situées à une quinzaine de kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Tlemcen, il n’est pas possible de venir à Aïn Fezza sans s’offrir une escapade jusqu’à l’intérieur des grottes de Béni Add où des concrétions d’une richesse remarquable émerveillent pendant des générations des Algériens et des étrangers venus les découvrir. On peut y apercevoir : stalactites, stalagmites, draperies, colonnes et immenses coulées de calcite. C’est une importante cavité creusée dans la roche calcaire du massif de Tlemcen, à une profondeur de plus de 700 mètres, comportant une galerie, plusieurs salles bien aménagées et disposant d’un éclairage suffisant.
La saga industrielle d’une famille
Mais à Ain Fezza, dans la wilaya de Tlemcen, il n’y a pas que la nature qui est enchanteresse. C’est également ici que se trouve un important acteur économique régional, mais aussi national ! Oui, c’est ici que la famille Kherbouche, une ancienne famille de Tlemcen qui active dans l’industrie depuis de très longues années, a lancé un projet industriel innovant et unique en son genre : un centre grands-parentaux ! De prime abord, cette appellation peut vous sembler bizarre et incompréhensible. Mais c’est ici qu’on produit des poussins reproducteurs qui vont donner naissance aux poussins de chairs qui deviendront par la suite le fameux poulet qui est vendu dans votre boucherie. En effet, à Ain Fezza, Rachid Kherbouche et son fils Hachim Kherbouche, gèrent toute une unité de production de grands parentaux destinés à produire du poussin de chair. Une unité dotée des équipements technologiques les plus avancés pour accompagner l’incubation et l’éclosion des œufs. Tout un processus complexe qui exige un savoir-faire et une pratique rigoureuse. Mais chez les Kherbouche, la rigueur est une seconde nature. Preuve en est, d’ores et déjà, ce centre de production a réussi à mettre sur le marché national pas moins de 600 mille poussins reproducteurs. « En 2015, notre production atteindra 1 million et deux cents mille poussins reproducteurs », se réjouit Rachid Kherbouche.
Cet ingénieur en génie civil, est l’aîné de de sa famille. Une famille qui cultive l’esprit entrepreneurial depuis des lustres. « C’est notre père, El-Hadj, mort à 100 ans, mais tout en restant lucide, qui nous a transmis cet amour pour l’industrie et le travail », témoigne en toute humilité Rachid Kherbouche qui nous accueille généreusement dans son bureau situé à l’usine d’El Alf, une société qui fabrique des aliments composés pour animaux. Cette société est l’une des 7 filiales du groupe Kherbouche. Un groupe présent dans l’industrie agroalimentaire, les travaux publics, l’hydraulique et la construction des stations d’épuration. Un groupe qui emploie plus de 1800 personnes. A lui-seul, ce groupe est tout un pôle économique qui incarne la locomotive de développement de la région de Tlemcen.
Géré par trois frères, ce groupe se fait tout de même discret en dépit de ses exploits commerciaux. « Mais si nous pouvons être utiles pour le pays, nous répondons toujours présents », assure Rachid Kherbouche, l’aîné des trois frères et porte-parole du groupe. Cet entrepreneur expérimenté croit dur comme fer au potentiel industriel algérien. Pendant 4 ans, à la fin des années 80, il est parvenu à exporter des machines industrielles montées ou fabriquées en Algérie, des tracteurs made in Algéria, et d’autres produits industriels nationaux en remplissant régulièrement 10 à 20 wagons pour les expédier vers le Maroc. Aujourd’hui, après avoir parcouru le monde et travaillé dans plusieurs secteurs, il se consacre à l’industrie de l’alimentation du bétail. Un terme qu’il récuse puisqu’il préfère toujours parler « de fabrication d’aliments composés pour animaux ».
Depuis 2003, El Alf dispose d’un complexe moderne de production d’aliments composés pour animaux bovin, volaille, ovin et équin d’une capacité de 100.000 T/an. Il s’agit d’un complexe entièrement automatisé qui répond aux normes internationales. Un laboratoire d’analyses et de contrôle est aussi équipé de la plus récente technologie. Et pour renforcer son leadership sur le marché national, Rachid Kherbouche a encore mis sur la table pas moins de 15 millions d’euros pour construire une nouvelle usine. Une usine qui est conçue par le groupe Allemand Bosch. Cependant, le rêve de Rachid Kherbouche est dans l’élevage et la production des poussins Grands-Parentaux. « Le poulet est encore un luxe dans notre pays. Sachez que nos statistiques démontrent que l’Algérien ne consomme que 16 kilos de poulet et de viande blanche par an. L’américain en consomme 52 kilos. Nos voisins, les marocains et tunisiens, consomment entre 28 et 30 kilos par an. La moyenne mondiale tourne autour de 30 kilos », révèle notre interlocuteur, une véritable encyclopédie ambulante concernant l’aviculture en Algérie. « Pour démocratiser le poulet en Algérie, et la viande blanche en général, il faut développer notre capacité de production nationale. Mais pour se faire, nous avons besoin de poules reproductrices pour pouvoir produire du poulet de chair. L’Algérie a besoin annuellement de 4 millions de poules reproductrices. Avec notre nouveau centre de reproduction, nous allons pouvoir satisfaire dans les deux ou trois années à venir au moins 50 % de nos besoins nationaux pour réduire nos importations », explique avec le regard qui pétille Rachid Kherbouche.
Hachim, le fils qui a mérité son rang de patron
Aidé par son fils Hachim, l’entreprise Arbor Acres Algérie a entamé son ambitieux travail en vue d’atteindre son ultime objectif : permettre à l’Algérie de produire du poulet de chair en grande quantité. Dans ce but, 4 fermes d’élevages sont d’ores et déjà opérationnelles. Un centre d’incubation et d’éclosion qui expérimente les techniques les plus modernes en mettant en place des barrières sanitaires très strictes est aussi opérationnel. Géré par Hachim, âgé de 32 ans, ce centre est aménagé de sorte qu’aucune bactérie ne puisse contaminer les milliers de poussins qui vont y naître. Chambre froide automatisée, incubateur régulé avec un système informatique sophistiqué, système de surveillance vidéo ultra-moderne qui peut être géré à distance avec un simple smartphone, tout a été fait pour que les Kherbouche puissent convaincre et séduire une multinationale comme Aviagen de leur fournir leur souche de poussin grand-parental, la souche Arbor Acres qui est réputé mondialement.
« Cette souche est lourde et nous permet donc de produire à la fin un poulet riche en viande. Avec nos techniques d’élevage, pour 1,8 kilo d’aliments, nous obtenons un kilo de viande », relève à ce propos Hachim Kherbouche dont le parcours inspire la respect à tous les employés de l’entreprise. Et pour cause, ce jeune manager a quitté l’école sans décrocher son baccalauréat. « J’ai fait le choix de commencer à travailler. Mon père ne m’a pas parlé pendant deux mois ! Lui qui est ingénieur n’a jamais accepté que j’échoue dans mes études. J’ai compris vite que pour gagner ma place, je devais travailler dur et redoubler d’effort pour gagner le respect de ma famille », raconte Hachim qui a refusé de profiter des avantages du fils de patron propriétaire. « Je me réveillais tôt le matin, je partais avec mes propres moyens. Je ne sollicitais jamais mon père. J’avais une simple fiche de paie de 15 mille Da par mois. Je n’ai jamais bénéficié d’un traitement de faveur. Mon père m’a toujours défié : tu veux manger et habiter dans la maison après avoir arrêté tes études, alors va travailler ! »
La formation, la première clé de la réussite
Et c’est ce que Hachim a fait pendant 10 ans. Le fils du patron qu’il était a été pendant 10 longues années un simple ouvrier avec les autres dans le groupe familial. Le jeune fils d’une famille riche a fini par gagner tout seul ses galons et diriger ce centre novateur où l’activité demande une profonde compétence. Toutefois, le défi a été relevé et le jeune Hachim a beaucoup appris auprès de son entourage notamment auprès du défunt docteur vétérinaire Abdelhamid Kara Turki qui a beaucoup contribué dans le lancement de ce centre de reproduction et d’élevage. Dans toute l’Afrique, il n’existe que 4 centres similaires à celui de la famille Kherbouche à Tlemcen.
« Le poulet ne devrait pas dépasser les 300 Da le kilo en Algérie. Mais pour cela nous devons augmenter notre production des poules reproductrices. Le Maroc, à titre d’exemple, dispose de 6 millions de poules reproductrices. Nous avons la capacité nécessaire pour faire beaucoup mieux. Mais 80 % de l’élevage de notre volaille est dans l’informel. Il faut accompagner ses éleveurs en les formant », souligne enfin Rachid Kherbouche qui conclut en lançant un message simple et limpide à nos autorités : « Il ne sert rien de donner des crédits facilement aux jeunes s’ils ne sont pas formés et encadrés au préalable. Il est temps que notre jeunesse se dote des compétences et qualifications nécessaires dans chaque secteur économique. La qualification, c’est ce qu’il fait gravement défaut à notre pays. C’est la première clé de la réussite ».