Vidéo. Alger/ Le concert de Fianso empêché par la violence

Redaction

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Quand l’intolérance étouffe la culture : Le concert de Fianso à Alger gâché par la violence
L’intolérance frappe de nouveau à Alger. Une ville qui autrefois était un foyer de diversité culturelle et de tolérance, se retrouve aujourd’hui au cœur d’un triste épisode révélateur des tensions qui traversent la société algérienne. Le méga-concert du rappeur franco-algérien Sofiane, connu sous le pseudonyme de Fianso, organisé sur l’Esplanade de la Grande-Poste à Alger, a été violemment perturbé par un groupe de jeunes qui, se prétendant gardiens de la vertu nationale, ont imposé leur vision radicale au détriment de la liberté d’expression et de la culture.

Un événement culturel attendu qui tourne au cauchemar

Ce concert, organisé par le ministère de la Culture et l’APC d’Alger-Centre, se voulait un moment de célébration et de partage. Fianso, rappeur reconnu en France et en Algérie, devait offrir un spectacle qui rassemblerait les jeunes autour de la musique, dans une ville souvent marquée par la morosité. Cependant, ce qui devait être une soirée festive s’est transformé en scène de chaos et de violence.

1. Un climat de tension dès le début

Dès l’annonce du concert, des voix se sont élevées contre la tenue d’un tel événement en pleine période de Ramadan. Pour certains, organiser un concert de rap, genre musical souvent mal perçu par les conservateurs, en plein cœur du mois sacré, était une provocation. Ces critiques, principalement relayées sur les réseaux sociaux, ont rapidement pris une tournure inquiétante. Des appels à empêcher la tenue du concert ont été lancés par des groupes se revendiquant défenseurs de la sacralité du Ramadan.

2. L’anarchie s’installe sur l’Esplanade de la Grande-Poste

Le jour du concert, une foule nombreuse s’est rassemblée sur l’Esplanade de la Grande-Poste. Cependant, parmi les spectateurs venus profiter de la musique, un groupe d’individus a rapidement semé le trouble. Ces jeunes, armés de slogans et de bâtons, ont perturbé le déroulement de l’événement, criant des injures et provoquant des échauffourées avec d’autres participants.

Face à la montée de la violence, les organisateurs ont été contraints d’annuler le concert pour des raisons de sécurité. Fianso, qui avait exprimé sa joie de se produire dans la capitale algérienne, a été déçu de ne pas pouvoir offrir à ses fans le spectacle qu’ils attendaient. Cet épisode a laissé un goût amer non seulement aux participants, mais aussi à tous ceux qui croient en la capacité de la culture à rassembler et à apaiser les tensions sociales.

Un écho inquiétant des années 90 : Le spectre du FIS

Cet incident n’est pas sans rappeler les sombres heures de la montée du Front Islamique du Salut (FIS) à la fin des années 80 et au début des années 90. À cette époque, l’Algérie avait connu une vague d’intolérance religieuse qui avait progressivement conduit à une guerre civile dévastatrice. Le FIS, en prônant une vision radicale de l’islam, avait réussi à imposer son agenda à une grande partie de la société, au détriment des libertés individuelles et culturelles.

1. Le parallèle avec les années 90

La montée en puissance de ces jeunes désœuvrés, qui se présentent comme des défenseurs de la morale publique, fait écho aux pratiques du FIS. À l’époque, les militants islamistes n’hésitaient pas à s’en prendre violemment à tout ce qui ne correspondait pas à leur vision de la société, qu’il s’agisse d’événements culturels, de comportements individuels, ou même de l’apparence des gens.

Aujourd’hui, bien que le contexte soit différent, l’ombre du FIS plane toujours sur l’Algérie. L’épisode du concert de Fianso montre que certains groupes continuent de chercher à imposer leur vision radicale, en s’érigeant en arbitres de la moralité publique. Ce qui est encore plus préoccupant, c’est que ces actions se déroulent avec une certaine impunité, sans que les autorités n’interviennent de manière décisive pour les empêcher.

2. La réponse des autorités : une position ambiguë

La réaction des autorités face à cet incident a été pour le moins ambiguë. Si l’annulation du concert a été justifiée par des raisons de sécurité, beaucoup se demandent pourquoi les forces de l’ordre n’ont pas été plus proactives pour prévenir ces violences. Cette inaction apparente suscite des questions sur la volonté réelle des autorités de protéger les manifestations culturelles et de défendre la liberté d’expression.

D’un autre côté, l’organisation même de ce concert par le ministère de la Culture peut être vue comme un acte de défiance envers ces groupes radicaux. En soutenant un artiste comme Fianso, qui représente une forme d’expression moderne et libre, le gouvernement semble vouloir montrer son attachement à une vision pluraliste de la société. Cependant, la réaction violente à cet événement révèle à quel point cette vision est contestée par certains segments de la population.

Les réseaux sociaux, un terrain fertile pour l’intolérance

Il est impossible de comprendre pleinement l’ampleur de cet incident sans prendre en compte le rôle joué par les réseaux sociaux. Ces plateformes, qui devraient être des espaces de dialogue et de partage, sont souvent détournées par des groupes radicaux pour diffuser des messages de haine et d’intolérance.

1. La propagation rapide de la haine

Dans le cas du concert de Fianso, les appels à la violence ont été massivement relayés sur Facebook et Twitter, amplifiant la tension autour de l’événement. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il prend une ampleur inquiétante dans un pays où les tensions sociales et religieuses sont déjà vives.

Les réseaux sociaux permettent à des idées radicales de se répandre rapidement, souvent sans filtre. Les jeunes, qui représentent la majorité des utilisateurs de ces plateformes, sont particulièrement vulnérables à ces messages. Dans un contexte de chômage élevé et de manque de perspectives, ils sont facilement attirés par des discours simplistes qui désignent des boucs émissaires pour expliquer leurs frustrations.

2. La responsabilité des plateformes

Il est légitime de se demander quelle responsabilité incombe aux plateformes sociales dans la diffusion de ces messages d’intolérance. Bien que les entreprises comme Facebook aient mis en place des politiques pour lutter contre la haine en ligne, force est de constater que ces mesures sont souvent insuffisantes. Dans le cas de l’Algérie, les appels à la violence restent en ligne pendant des heures, voire des jours, avant d’être supprimés, laissant le temps à ces messages de faire des dégâts.

La riposte des féministes : la « baignade républicaine »

Face à cette vague d’intolérance, certaines voix se lèvent pour défendre la liberté et le pluralisme. À Annaba, par exemple, un groupe de militantes féministes a lancé une initiative appelée « baignade républicaine ». Cette action, qui consiste à organiser des baignades collectives pour les femmes, est une réponse directe aux appels des islamistes radicaux à photographier les femmes en bikini pour les humilier publiquement.

1. Un acte de résistance symbolique

La « baignade républicaine » est plus qu’une simple action symbolique. Elle représente une forme de résistance contre ceux qui veulent imposer une vision rétrograde de la société. En revendiquant le droit des femmes à disposer de leur corps et à s’habiller comme elles l’entendent, ces militantes affirment leur refus de se plier aux diktats des groupes radicaux.

2. Le soutien croissant à l’initiative

L’initiative a rapidement gagné en popularité, notamment sur les réseaux sociaux où elle a été massivement relayée. Plus de 3000 femmes d’Annaba se sont déjà ralliées à cette cause, témoignant de la volonté de la société civile de ne pas se laisser intimider par les menaces des extrémistes. Ce mouvement pourrait bien inspirer d’autres actions similaires à travers le pays, renforçant ainsi la résistance contre l’intolérance.

Conclusion : L’avenir de la culture en Algérie en question

L’incident du concert de Fianso à Alger est révélateur des tensions profondes qui traversent la société algérienne. Entre l’aspiration à la modernité et la pression des forces conservatrices, le pays se trouve à un carrefour décisif. La question qui se pose est de savoir quel chemin il choisira.

D’un côté, il y a ceux qui, comme les militantes d’Annaba, défendent une vision ouverte et pluraliste de la société, où la culture et la liberté d’expression sont des valeurs fondamentales. De l’autre, il y a les forces de l’intolérance qui cherchent à imposer une vision radicale, en utilisant la violence et la coercition pour parvenir à leurs fins.

Le défi pour l’Algérie sera de trouver un équilibre entre ces deux visions, en assurant que la culture puisse s’épanouir librement, tout en maintenant la cohésion sociale. Cela nécessitera une action concertée des autorités, de la société civile, et des plateformes numériques pour lutter contre l’intolérance sous toutes ses formes.

Le concert de Fianso, bien que perturbé, pourrait bien marquer le début d’un réveil culturel en Algérie, où la jeunesse prend conscience de l’importance de défendre ses libertés face à la montée de l’extrémisme. Si l’histoire a montré que l’intolérance peut détruire des sociétés, elle a aussi prouvé que la culture et la solidarité peuvent les sauver.

L.R.