La chanson kabyle paillarde connaît un grand succès sur les réseaux sociaux. Quelques-unes parmi ces chansons diffusées sur le net ont déjà suscité un grand buzz. Les auteurs de ces nombreuses chansons qu’on pourrait retrouver sur YouTube, ou dans des blogs spécialisés sont en majorité anonymes.
Un anonymat qui peut bien s’expliquer par les thèmes traités. Le « florilège » des mots qui composent les paroles de ces chansons relèvent du registre de l’érotisme et de la satire populaire. En somme, un langage de rue que ces chanteurs cybernétiques kabyles se réapproprient pour composer leurs chansons pamphlétaires. Dans ces chansons, on retrouve des messages politiques, ou des critiques sur les réalités du vécu algérien. Elles reflètent la réalité de la manière la plus crue. Ce qui explique en partie l’énorme succès que rencontrent ces chansons.
La chanson la plus partagée dans ce sens est sans conteste celle ayant comme thème « L’vot». Postée par un internaute anonyme, cette chanson kabyle dépasse de loin les 100 000 vues sur Youtube. Cette chanson traite des échéances électorales en Algérie, avec un sens de dérision des plus corrosifs. L’auteur de cette fameuse chanson, frappée du signe -18, (déconseillée aux mineurs), s’en prend à des responsables et personnalités algériennes avec une subtilité déconcertante, un humour déchirant, mais avec quand même beaucoup de «gros mots». Le grand succès rencontré par cette chanson parmi des milliers de jeunes explique que ces fans se reconnaissent bien dans ce style. « Pour illustrer des situations vulgaires, il n’y a pas plus direct que d’utiliser des mots vulgaires. Yerhem babak, est-ce qu’il y’a plus vulgaire que le discours des politiciens aux commandes du pays ? Moi je trouve cette chanson moins vulgaire que la réalité qu’elle décrit. Des votes truqués depuis l’indépendance. Un président élu sur une chaise roulante, et qui n’a prononcé aucun mot durant toute la campagne électorale, ce n’est pas vulgaire ça ? » nous dit Nassim, un jeune internaute.
Une autre vedette de la chanson kabyle sur internet, dont le son et l’orchestration sont plus travaillés, s’est donné pour nom Lvachir Vouchlaghem (le moustachu). « Lvachir Vouchlaghem (Lvachir aux longues moustaches), est un cas à part dans la création artistique kabyle (algérienne) de par la propension de gros mots, très crus, qu’il lâche par phrase. Mais surtout, au niveau symbolique, Lvachir représente sans aucun doute le plus grand attentat jamais organisé contre la morale kabyle conventionnelle », est-il écrit sur son blog. Celui-ci s’est illustré avec plusieurs titres qu’il a postés sur youtube, et sur son blog. Dans sa chanson Saout Ennisaâ, l’artiste décrit, avec un sens subversif, les conditions précaires de la femme algérienne, qui est contrainte de porter le lourd fardeau de certaines traditions machistes. Dans une autre chanson intitulée «Ayen Akka», Lvachir Vouchlaghem exprime l’ennui de la jeunesse algérienne. Des complaintes de jeunesse avec un langage cru et franc, mais sans se départir du sens de l’humour qui caractérise ses chansons.
Arezki Ibersiene