Visa Schengen : L’Algérie Exige des Mesures Contre la Vente Iilégale de Rendez-vous

Redaction

Visa Schengen : L’Algérie Exige des Mesures Contre la Vente Iilégale de Rendez-vous

Depuis plusieurs années, la quête du précieux sésame qu’est le visa Schengen s’est transformée en un véritable parcours du combattant pour des milliers d’Algériens. La prolifération du marché noir des rendez-vous pour l’obtention d’un visa, vendus parfois à des prix exorbitants, plonge de nombreux citoyens dans une situation de frustration et d’injustice. Face à ce phénomène alarmant, des voix s’élèvent en Algérie pour dénoncer une réalité qui semble échapper aux autorités diplomatiques européennes sur place, mais aussi pour appeler à des réformes en profondeur du processus de délivrance des visas.

Le Visa Schengen, un Graal Inaccessible pour Nombre d’Algériens

Chaque année, des milliers d’Algériens tentent d’obtenir un visa Schengen, que ce soit pour des raisons professionnelles, de santé, d’études ou simplement de tourisme. Pourtant, la procédure est devenue pour beaucoup un véritable calvaire. La forte demande de visas auprès des consulats européens, en particulier ceux de France, d’Espagne, ou d’Italie, a créé un goulot d’étranglement qui profite à un marché parallèle des rendez-vous payants.

Face aux délai d’attente prolongés et à la complexité des démarches, certains citoyens préfèrent débourser des sommes considérables pour obtenir un rendez-vous, sans même la garantie de voir leur demande aboutir favorablement. Le député Abdelouahab Yagoubi, représentant des Algériens de l’étranger, a récemment mis en lumière cette dérive en dénonçant, dans une question écrite adressée au Premier ministre, la vente illégale de rendez-vous pour les visas. Les prix pratiqués sur ce marché noir atteignent parfois les 100 000 dinars (environ 600 euros), une somme exorbitante pour de nombreux Algériens, dont le revenu moyen reste bien en deçà de ces montants.

La Mafia des Rendez-vous : Un Réseau Bien Organisé

Ce marché parallèle est alimenté par des intermédiaires sans scrupules, souvent issus d’agences de voyages ou de réseaux sociaux, qui profitent de la détresse des demandeurs de visas. En exploitant la rareté des rendez-vous disponibles sur les plateformes officielles, ces intermédiaires créent des monopoles de fait, obligeant les citoyens à passer par eux pour obtenir des créneaux plus rapides. Cette pratique est devenue si courante qu’elle est désormais perçue comme un passage quasi obligé pour ceux qui veulent voyager en Europe.

« C’est devenu une pratique banale, tout le monde sait qu’il faut payer si l’on veut obtenir un rendez-vous rapidement. Sans payer, on peut attendre des mois, voire des années », témoigne Karim, un étudiant algérien qui a dû débourser près de 50 000 dinars pour un rendez-vous au consulat de France.

Une Pratique Illégale, mais Tolérée

Le marché noir des rendez-vous de visa n’est pas seulement illégal, il est également moralement répréhensible. Il exploite la vulnérabilité des citoyens algériens et amplifie leur sentiment de marginalisation. Pourtant, malgré l’illégalité de cette pratique, elle continue de prospérer, souvent sous les yeux des autorités.

Selon le ministre des Affaires étrangères algérien, Ahmed Attaf, qui a répondu à la question du député Yagoubi, la lutte contre cette pratique constitue désormais une priorité absolue. Le ministre a reconnu que son département est conscient de l’ampleur du problème et qu’il travaille activement avec les représentations diplomatiques étrangères pour mettre fin à ces abus. Cependant, les résultats restent pour l’heure mitigés.

Les Ambassades Étrangères Interpellées

Le ministre Ahmed Attaf a expliqué dans sa réponse que son ministère exhorte régulièrement les ambassades étrangères à respecter la législation algérienne en matière de délivrance de visas, et à prendre des mesures contre les abus observés dans les centres de traitement des demandes. Selon lui, certains progrès ont déjà été réalisés, notamment avec la création de plateformes en ligne permettant aux citoyens de prendre directement rendez-vous, sans passer par des intermédiaires.

Ces plateformes, mises en place par certaines ambassades, offrent aux demandeurs algériens la possibilité de soumettre leur demande et de suivre l’évolution de leur dossier en ligne, réduisant ainsi l’intervention des agents tiers. Toutefois, le succès de ces initiatives reste limité, tant le marché noir a pris de l’ampleur.

Des Intermédiaires Légaux… et Inhumains ?

En plus du marché noir des rendez-vous, il existe un autre problème majeur : le traitement dégradant que subissent de nombreux Algériens dans les centres de visas agréés par les ambassades. Les files d’attente interminables, les conditions d’accueil souvent déplorables et les frais exorbitants pour accéder à des services dits « VIP » sont des sujets de mécontentement récurrent.

Le député Yagoubi a dénoncé ces pratiques comme étant des « humiliations » infligées aux citoyens algériens. Selon lui, les prestataires de services agréés par les consulats appliquent des tarifs élevés pour des services de base, forçant ainsi les demandeurs à payer pour obtenir un traitement correct.

« Pourquoi devons-nous payer plus cher pour éviter d’attendre des heures dans la rue, parfois sous un soleil de plomb ou sous la pluie ? Les conditions sont dégradantes », déplore Mourad, un Algérien de 42 ans, venu chercher un visa pour se rendre en France pour des raisons médicales.

Un Appel à la Responsabilité des Ambassades

La réponse du ministre des Affaires étrangères ne s’est pas contentée de pointer les dysfonctionnements. Elle a aussi rappelé que certaines ambassades ont réagi en engageant des poursuites judiciaires contre des individus impliqués dans des pratiques frauduleuses liées aux rendez-vous de visa. Ces mesures sont certes positives, mais insuffisantes pour endiguer un phénomène de cette ampleur.

Le gouvernement algérien appelle donc à une plus grande responsabilité de la part des ambassades présentes sur le territoire. « Il est impératif que ces représentations respectent les lois algériennes et veillent à ce que leurs services soient accessibles à tous dans des conditions de dignité », a déclaré le ministre Attaf. Ce dernier a également insisté sur l’importance du principe de réciprocité, un pilier des relations diplomatiques, qui exige que les citoyens algériens soient traités de manière équitable lorsqu’ils sollicitent un visa.

Le Principe de Réciprocité : Une Armes Diplomatico-Juridique ?

Le principe de réciprocité invoqué par le ministre Attaf fait référence à une règle du droit international, selon laquelle deux États accordent mutuellement à leurs ressortissants un traitement égal. Dans le cadre des demandes de visa, cela signifie que les citoyens algériens devraient bénéficier des mêmes facilités que celles accordées aux citoyens européens souhaitant se rendre en Algérie. Or, ce principe semble largement ignoré par certaines ambassades européennes, qui imposent des restrictions sévères aux demandeurs algériens.

Le ministre a souligné que des efforts continus seront déployés pour inciter les ambassades à respecter cet équilibre diplomatique, notamment en s’appuyant sur les conventions internationales, telles que la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Cette dernière stipule clairement que les missions diplomatiques doivent respecter les lois du pays hôte, et œuvrer à faciliter les échanges entre les peuples.

Des Progrès, mais Encore Beaucoup de Chemin à Parcourir

Les efforts du ministère des Affaires étrangères semblent avoir porté quelques fruits, notamment avec l’adoption de plateformes numériques et l’engagement de poursuites judiciaires contre certains intermédiaires véreux. Toutefois, le marché noir des rendez-vous reste un phénomène persistant, alimenté par la forte demande et les difficultés d’accès aux services consulaires.

Le chemin est encore long pour parvenir à une transparence totale dans la gestion des rendez-vous de visa. Il faudra non seulement un renforcement des contrôles, mais aussi une prise de conscience de la part des citoyens algériens, pour qu’ils refusent de recourir à des pratiques illégales.

Une Coordination Interministérielle Nécessaire

Le député Yagoubi a plaidé pour une action coordonnée entre plusieurs ministères, notamment ceux des Affaires étrangères, de la Justice et du Commerce, pour contrer ces pratiques. Selon lui, seul un effort conjoint permettra d’éradiquer le marché noir des rendez-vous. Des enquêtes judiciaires plus fréquentes et des contrôles rigoureux des sociétés prestataires agréées par les consulats sont des pistes envisagées.

Le ministre Ahmed Attaf a réaffirmé que son département continuera de travailler en étroite collaboration avec les organismes nationaux compétents pour assurer le respect des droits des citoyens algériens et garantir un traitement digne dans les démarches consulaires.

Conclusion : Un Long Chemin Vers la Dignité et l’Équité

Le marché noir des rendez-vous de visa Schengen en Algérie reflète une réalité complexe où se mêlent désespoir, injustice et abus de pouvoir. Si des progrès ont été réalisés grâce aux initiatives de la diplomatie algérienne et à la coopération de certaines ambassades, il reste encore beaucoup à faire pour éliminer ce phénomène.

Les citoyens algériens espèrent que les réformes à venir permettront de simplifier l’accès aux services consulaires, d’assurer un traitement équitable et de mettre fin aux humiliations qu’ils subissent quotidiennement dans leur quête de mobilité internationale. Les actions combinées des ambassades, des autorités algériennes et des citoyens eux-mêmes seront essentielles pour rétablir la confiance dans le système de délivrance des visas, et faire en sorte que chacun puisse exercer son droit à la mobilité dans le respect de la dignité humaine.